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Page:Dunan - Le Sexe et le poignard, 1928.djvu/201

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d’ivoire. Les roues d’argent, les énormes pierres précieuses qui paraient la bordure de la courbe, l’inestimable tapis, tissé de métaux polychromes, sur lequel César était debout, tout fascinait le peuple tantôt muet, tantôt acclamant. Le triomphateur portait la tunique de pourpre bordée d’or. Une couronne d’or cernait son front car il avait refusé de la laisser tenir en l’air par un esclave, comme le voulait la tradition. La face blême et glaciale, où la fatigue creusait de longue rides, la lourdeur des épaules tombantes et la crispation des mains longues, disaient que ce demi-dieu fut homme aussi et qu’à cette heure même il méditait sur un avenir sans gaîté. Il songeait, encore regardant la Vénus Cléopâtre, à certaines heures vécues sur le Nil et dont la seule remembrance tendait ses nerfs comme des câbles de navire. Ah ! revivre la douceur délicate de ce voyage durant lequel il avait même pu, outre tant de plaisirs, parler philosophie avec l’esclave favori de Cléopâtre : un Grec savant nommé Aristodème, et qui enseignait aux fillettes impubères d’étranges secrets d’amour.

Il rêvait de se retrouver avec tant de beautés, et de chercher encore le frisson de volupté après lequel il ne reste plus qu’à mourir.