Page:Dunant - Un souvenir de Solférino, 1862.djvu/101

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crer, chaque jour, plusieurs heures aux blessés pour leur faire des lectures. Tous les palais renferment des malades ; celui des Borromée (des Îles) en contient trois cents. La supérieure des Ursulines, la sœur Marina Videmari, dirige avec une charité exemplaire un grand hôpital qui est un modèle d’ordre et de propreté, et dont elle fait tout le service avec ses sœurs compagnes.

Mais peu à peu on voit passer, prenant la route de Turin, de petits détachements de soldats français convalescents, au teint bronzé par le soleil d’Italie, les uns le bras en écharpe, les autres soutenus par des béquilles, tous avec des traces de graves blessures ; leurs uniformes d’ordonnance sont usés et déchirés, mais ils portent du linge magnifique dont de riches Italiens les ont généreusement pourvus, en échange de leurs chemises ensanglantées : « Votre sang a coulé pour la défense de notre pays, leur ont dit ces Italiens, nous voulons en conserver le souvenir. » Ces hommes, peu de semaines auparavant forts et robustes, et aujourd’hui privés d’un bras, d’une jambe, ou la tête empaquetée et saignante, supportent leurs maux avec résignation ; mais incapables désormais de suivre la carrière des armes ou de venir en aide à leurs familles, ils se voient déjà, avec une douloureuse amertume, devenir des objets de commisération et de pitié, à charge aux autres et à eux-mêmes.

Je ne puis m’empêcher de mentionner la rencontre que je fis à Milan, à mon retour de Solférino, d’un vieillard vénérable, M. le marquis Ch. de Bryas, ancien député