Page:Dunant - Un souvenir de Solférino, 1862.djvu/23

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reçoit les premiers soins, mais les Autrichiens, momentanément repoussés, reviennent à la charge et pénètrent dans cette église : les bersagliers, trop peu nombreux pour résister, sont forcés d’abandonner leur chef ; aussitôt des Croates, saisissant de grosses pierres qui se trouvent à la porte, en écrasent la tête du pauvre capitaine dont la cervelle rejaillit sur leurs tuniques.

C’est au milieu de ces combats si divers sans cesse et partout renouvelés qu’on entend sortir des imprécations de la bouche d’hommes de tant de nations différentes, dont beaucoup sont contraints d’être homicides à vingt ans !

Au plus fort de la mêlée, alors que la terre tremblait sous un ouragan de fer, de soufre et de plomb dont les volées meurtrières balayaient le sol, et que, de toutes parts, sillonnant les airs avec furie comme des éclairs toujours mortels, des lignes de feu ajoutaient de nouveaux martyrs à cette hécatombe humaine, l’aumônier de l’empereur Napoléon, l’abbé Laine parcourait les ambulances en portant aux mourants des paroles de consolation et de sympathie.

Un sous-lieutenant de la ligne a le bras gauche brisé par un biscaïen et le sang coule abondamment de sa blessure ; assis sous un arbre il est mis en joue par un soldat hongrois, mais celui-ci est arrêté par un de ses officiers qui, s’approchant aussitôt du jeune blessé français, lui serre la main avec compassion et ordonne de le porter dans un endroit moins dangereux.

Des cantinières s’avancent comme de simples troupiers