Page:Dunant - Un souvenir de Solférino, 1862.djvu/26

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à vaincre des guerriers tels qu’un prince Alexandre de Hesse, un Stadion, un Benedek, ou un Charles de Windisch-Graetz ![1]


« Il semblait que le vent nous eût poussés, » disait pittoresquement un simple petit soldat de la ligne, pour donner l’idée de l’entrain et de l’enthousiasme de ses camarades à se jeter avec lui dans la mêlée ; « l’odeur de la poudre, le bruit du canon, les tambours qui battent et les clairons qui retentissent, ça vous anime, ça vous excite ! » Dans cette lutte en effet chaque homme semblait se battre comme si sa propre réputation était personnellement en jeu, et qu’il dût faire de la victoire son affaire particulière.

Il y a réellement un élan et une bravoure toute spéciale chez ces intrépides sous-officiers de l’armée française pour lesquels il n’existe pas d’obstacles, et qui, suivis de leurs soldats, se précipitent aux endroits les plus

  1. Au sujet du général Forey, empruntons quelques mots qui le concernent au beau livre de M. le colonel fédéral Edmond Favre, L’Armée prussienne et les manœuvres de Cologne en 1861 :

    « Le roi nous fit tous inviter à dîner ce jour même au château de Benrath, près de Dusseldorf… Avant de se mettre à table, le roi prit par la main le général Forey et le général Paumgarten : « Maintenant que vous êtes amis leur dit-il en riant, asseyez-vous là, l’un à côté de l’autre, et causez. » Or Forey était le vainqueur de Montebello et Paumgarten son adversaire : ils ont pu tout à leur aise s’enquérir mutuellement de tous les détails de la journée. À voir le sourire loyal du général autrichien, on sentait que le temps de la rancune était passé ; quant au général français, nous savons tous qu’il n’avait aucune raison d’en avoir. C’est là la guerre, c’est là le soldat : ces deux généraux de si bon accord cet automne, s’écharperont peut-être l’année prochaine, pour dîner de nouveau ensemble quelque part dans deux ans ! »