Page:Dunant - Un souvenir de Solférino, 1862.djvu/67

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c’est un ancien couvent, transformé en caserne, qui reçoit des centaines d’Autrichiens. À Cavriana, on a installé dans l’église principale de cette chétive bourgade des Autrichiens, tout estropiés, qui étaient restés étendus, durant quarante-huit heures, sous les galeries d’un méchant corps de garde ; à l’ambulance du grand quartier général on pratique des opérations, en employant le chloroforme qui entraînait chez les blessés autrichiens une insensibilité presque immédiate, et chez les français des contractions nerveuses accompagnées d’une grande exaltation.

Les habitants de Cavriana sont entièrement dépourvus de denrées et de provisions, ce sont les soldats de la garde qui les nourrissent en partageant avec eux leurs rations et leur gamelle ; les campagnes ont été ravagées, et à peu près tout ce qui pouvait se consommer en fait de produits, a été vendu aux troupes autrichiennes, ou saisi par elles sous forme de réquisitions. L’armée française, si elle a des vivres de campagne en abondance, grâce à la sagesse et à la ponctualité de son Administration, a bien de la peine à se procurer le beurre, la graisse et les légumes qui d’habitude sont ajoutés à l’ordinaire du soldat ; les Autrichiens avaient requis presque tout le bétail du pays, et la farine de maïs est la seule chose que les Alliés puissent aisément trouver dans les localités où ils sont maintenant campés. Cependant tout ce que peuvent encore vendre les paysans lombards pour aider à l’alimentation des troupes, leur est acheté à des prix fort élevés, l’estimation en étant toujours faite de façon à ce que les