Aller au contenu

Page:Duplessis - Aventures mexicaines, 1860.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Nous ne déjeunons point, señor, parce que nous n’avons point d’argent, me répondit le voyageur.

— Comment, vous n’avez point d’argent ! m’écriai-je avec étonnement.

— Non, señor, à nous tous nous ne pourrions pas réunir un réal. Nous avons été dévalisés par une cuadrilla de voleurs, à environ deux lieues d’ici, il y a de cela à peine une heure.

À cette réponse, faite à haute et intelligible voix, en forme d’appel à notre générosité, le sénateur Moratin releva la tête.

— Ce que vous racontez là, señores, m’étonne beaucoup, dit-il, car j’ai voté, il y a tout au plus quinze jours, en ma qualité de sénateur, pour la suppression des vols de grande route.

Le seigneur Moratin, après avoir fait cette réponse, reprit avec ardeur son déjeuner interrompu.

J’avais emporté avec moi, je l’ai déjà dit, une trentaine de piastres pour mes dépenses de route : j’hésitais donc si j’inviterais ces dix voyageurs à déjeuner, ce qui m’eût enlevé d’un seul coup le tiers de mon capital, lorsque le calme et silencieux Camote, repoussant son plat de frijoles loin de lui, se leva, et prit pour la première fois la parole.

— Holà ! huesped, s’écria-t-il en s’adressant à l’hôtelier, venez ici et arrangeons ensemble cette af-