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LE BATTEUR D’ESTRADE
PAR PAUL DUPLESSIS
DEUXIÈME SÉRIE
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X

LE GUET-APENS.


Huit jours s’étaient écoulés depuis que le Batteur d’Estrade avait quitté le rancho de la Ventana, et M. Henry habitait toujours la ferme. Panocha, revenu de Guaymas, mettait tous ses soins à fuir le jeune homme, et, par conséquent, ne le gênait en rien par sa présence. Quant à doña Antonia, il aurait été difficile de dire si le séjour prolongé de son hôte lui était agréable ou pénible, tant ses manières vis-à-vis de lui étaient restées simples, naturelles, dénuées de toute affectation. Elle ne semblait ni l’éviter, ni le rechercher. Du reste, depuis le départ du Batteur d’Estrade, un changement notable se remarquait dans la charmante enfant : son insouciante et espiègle gaieté d’autrefois avait fait place sinon à la mélancolie, du moins à la réflexion et au recueillement. Il devait s’opérer un grand travail dans son esprit.

Si Antonia était changée, M. Henry, lui, n’était plus reconnaissable. La transformation qu’il avait subie était si complète, que la jeune fille s’en était elle-même aperçue. Son regard fixe, sec et hautain, était devenu rêveur, hu-