Page:Duplessis - Le Batteur d'estrade, 4, 1856.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Ne me faites pas trop souffrir… Adieu !

Le Canadien, rougissant d’orgueil et de joie, s’empressa d’obéir.

— By God ! pensait-il en prenant place à côté du Batteur d’Estrade, que la vie est donc une drôle de chose ! Qui diable s’imaginerait que les quatre personnages les plus remarquables de tout le désert mettent en ce moment en commun leur expérience, leur courage, leur dévouement, et sont sur le point de risquer gratis leur existence ? Pourquoi ? pour faire rendre quelques jours plus tôt à son mari une petite femme qui a été enlevée par un amoureux !… Franchement, c’est bête !… Bah ! c’est moi, au contraire, qui suis un sot !… Cette femme n’a-t-elle pas une âme ?


XX

LE CONSEIL DE GUERRE.


Le Batteur d’Estrade ouvrit le premier la discussion. Il s’exprima en anglais, langue native de Lennox et de Grandjean, et que le comte d’Ambron comprenait et parlait également bien.

— Avant de combiner un plan et de nous arrêter à un parti définitif, dit-il, il est indispensable que nous sachions, Lennox, quelles sont les forces dont tu disposes. L’arrivée dans le désert de la troupe de M. de Hallay n’a pu te trouver désarmé, puisque tu connaissais longtemps à l’avance les intentions et les projets de cet homme !… Combien de guerriers ont répondu à ton appel ?

— Cinquante.

— Quoi ! pas davantage ? Tu n’as donc pas fait circuler la flèche rouge parmi toutes les tribus amies pour les convoquer à la bataille ?

— J’ai porté la flèche moi-même, Joaquin, et partout où je me suis présenté j’ai entonné mon chant de guerre. Mais, la plupart du temps, ma voix est restée sans écho… Que veux-tu ! les Peaux-Rouges, quoique très-supérieurs aux Européens, ne sont pas exempts non plus de défauts !… Leur cœur connaît l’envie… ma supériorité les blesse : ils sont jaloux de moi !

— Et ces cinquante guerriers que tu es parvenu à réunir, où sont-ils ?