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Page:Duplessis - Les Étapes d'un volontaire, 4, 1866.djvu/49

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MONSIEUR JAGQUES.

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nous soñimés Victürienx, ’écria/Anselme, que faisons-nous ? "Nous délivrôns les mallfeureux qui gémissent dans les

‘ — Très-bien, c'est juste. Voilà les détenus délivrés ; alors,

Si je ne me trowpé, nois avons le droit dé demander au houveau gouvert

= places et dés faveurs.

  1. 1

— Savé doute, celà va de soi-même |:

— El tu crois, Manini, que lon ne nous refusera rien ?

— Incontestablement non,

Zu bienl véux-t que je te dise ce que je demanderaï, [moï?

— Des épauletlés de général ?

= Non, je demanderai que l'on-pénde hant et court, à Montfaucon, selon l'usage antique et solennel, une canaille


d’espion de ma connaissance, qui se nome Manini ! Aces

paroles, qu'Anselne prononça avec une 1rès-grande té et un imperlurbable sang-{roid, Pllalien essaya de vire; puis, faisant semblant de croire qu'on l'appelait dans lé corridor, il voulut s'en aller ; mais Anselme, se le- vant d'un bond dé dessus l’escabeau sur lequel il. était assis, se jela entre là porté et lui.

— Cher et eslimable Mahini, ni dit-il de sa voix la plus caline, il faut vraiment que lu dies une bien mauvaise opi- nion de notre esprit à mon ami ét à moi, pour que lu âies


‘osé nous tenir de semblables propos. N'essaie pas de n’in-

terrompre el écoute-moi en silence, car un nouveau men- songe de la part pourrait nexaspérer et me pousser à quel- que extrémité facheuse, Au resle, ce que j'ai à te dire ne Sera pas long ; peu de paroles me sufliront. Si jamais, vou- Jant Le venger de ce que nous n'avons pas été la dupe, tu l'avises de me dénoncer moi ou mon ami, il est incontesta- ble que l'on nous guillotinera l’un et l'auire; mais sois per suadé qu'avant de monter dans la charrelte, je trouverai le Moyen; dussé-je püur cel Le sauter à la gorge en plein tri- Bunal, — sois persundé, dis-je, que je trouverait bien le moyen de Le tordre le col! À présent que te voilà averti, je ñe le retiens plus. Je l'engage même, au besoin, à ne plus remettre les pieds dans ma chambre, Adieu ! ï

L'Ilalien balbutia queiques paroles à peu près inintelligi- bles pour protester con l'erreur dont il était victime ; mais, voyant bientôt Anselme froncer ses souveils, il s'in= terrompil Lout court el se hâta de s'éloigner.

— Gher ami, dis-je à ce dérnier lorsque nous fûmes seuls,

je devrais peut-être Le blämer de ton impradence, mais vrai- ment je ne m’en sens pas le courage. Tu as montré dans cèlle circonstance une telle droiture de langage et un tel Sang-froid, que l'admiration l'emporte en moi sur lout autre seuliment, __=.Je crois avoir füil suriout prete dé prudéhee, me ré- pondit-il. Je ne sais, mais je serais fien élonné si ce Manini éssayait encore de compromettre quelques-uns de mes com pagnons de captivité! Son premier ‘essai ne lui o pas assez Fién réussi pour cela.

Hélas! combien Anselme se trompait! Je suis persuadé que, si mon ami eùt pu se douter alors des épouvantables €ulastrophes que devait produire l'infamie de ce Manini, il ne l'aurait point Juissé sorür vivant de noire chambre !

XUL

Depuis que nous élions réduits aux cinquante sous par jour que nous allouait La république pour nos. dépenses, ‘ceux des détenus qui, comme Anselue, étaient douës d’un appétit robuste, arrivaient, semblables à des ombres € peine, le long des corridors, sollicitant de leurs cowpaguons malades les rations que ceux-ci ne pouvaient consommer, Nous ressemblions à des habitants d’une forteresse assiégés el réduits à la famine. + “os

L'administrateur Bergot dont j'ai déjà par Plus eu pins acharné à poursuivre et à tyrannise Sonuiers, nous défendit bientot l'usage de la chandell tile d'ajouter que le cupide et ivrogue Semé, notre con cierge, Se fit un devoir d'exécuter cel ordre avec Loue la brutalité et la rigueur possibles,


ment, qui nous devra son existence, des”

l

Chaque matin, nos bourreaux inventaient une nouvelle vexation, trouvaient une cruauté nouvelle; la rage dont ils semblaient animés contre nous s'accroissait d'heure en. heure, pour ainsi diro : il ne nous était plus donné d'imagi- ner à’ quelles limites elle s'arrêterait; ave de telles gens, on était en droit de tout supposer, de s'attendre à tout,

La Commission populaire, si impatiemment attendue et dont il a déja été plusieurs fois question, finit enfin par se constituer et commença à fonctionner; mais, hélas! la folle confiance que nous avions mise en elle ne dura pas {ong- temps : l'indécence, la brutalité des questions qui furent adressées aux premiers détenus qu'elle intérrogea, l'ironie dont elles étaient accompagnées et les ris insullants - des comunissaires, qui ne se gênaient nullement pour témoigner hautement la joie que leur causait la vue de nos soulrances, nous apprireut que cette Commission, créée, disait-0n, dans lé but de venir en aide au malheur et à l'innocence, n’était, au contraire, qu’une aggravalion de peine inventée par nos perséculeurs pour nous réduire au désespoir.

Je dois, au resle, constater que pas un, parmi nous, ne se laissa aller à la légitime colère qu'éveillèrent en nous de si


“indignes traitements ; à la rage de nas tourmenteurs, nous

opposions seulement le silence de la résignation et du mé- pri

Nous apprimes, sur ces entrefailes, c'est-à-dire vers le milieu du mois de messidor, que l'administrateur Bergot travaillait à l'établissement d’un réfectoire : nous lui adres- Sames des questions à ce sujet, mais il refusa de nous répon- dre. Seulement le 23 messidor, au moirent où nous atlen- dions les provisions que les guicheliers avaient été nous acheter, Bergot nous fit dire que ces provisions élaient con- fisquées et qu'il ne comprenait pas, après nous avoir avertis de l'établissement d'un réfectoire, l'obstination que nous mellions à vouloir continuer à nons fournit au dehors!

Le résullat de celle feinte indignation fut pour nous une diète absolue de vingt-quatre heures. Anselme. ne se con- maissait plus de colère, et j'eus Loules les peines du monde à le retenir dans les limites de la prudence.

— Cher ami, me dit-il, me lirant à l'écart, on prétend que la faim fait sortir les loups des bois : je crois d'autant plus à cet axiomé que notre jeûne trop prolongé me change complètement el me porte à l'indiscrétion, Je sens que j'ai besoin, pour ne pas céder à la {entation qui m'ohsude, w’6- tranglèr quelque guichetier, de faire part à quelqu'un de mes projets d'évasion, 11 me semble que cette confidence me dis- traira el me fera du bien, Veux-u m'écouter?

— Tu sais bien que je ne demande pus mieux, répondis= je en sentant baitre mon cœur avec violence,

— Eh bien ! donne- moi le bras, me répondit Anselme, el ayons l'air de continuer une conversation insiguifute. Je ne puis m'expliquer qu'au premier élage,

— Pourquoi pas ici, Anselme ?

— Parce qu'un simple coup d'œil que tu donneras en passant, à l'endroiL par où je comple opérer mou évasion, amévilera la peine d'entrer avec loi‘dans des descriptions topographiques interminables et dut je ue serais pas certain de sortir à mou honneur,

‘Tiens, tu vois celte fenêtre, continua mon ancien Comp gnon d'armes lorsque nous fûmes arrivés à l'endroit désigné ; eh bien, c'est par là que j'espère faire ma rentrée dans le monde. Prends un air rent, éleins la vivacité de ton regard, el approchons-nous insensiblement et sans avoir l'air d'ättather Ra moindre importance à cette action,


Se fis ainsi que le voulait Anselme. Je vis que la 1

dire dounait sur une espèce de jardin de la ferme, mais à une distance seulement de vingt-cinq pieds. Au-dessous de la fe nétre j'enteudis retentir le pas d'une sentinell

— Eh bien! lui dis-je en m'éloignant, j'ai vu, tu peu parler. Je v ï toutefois que présent je ne con prends absolument rien à Lou proje.

— il est fort simple, me répondit-il, voilà pre, que je suis occupé à’ scier un barrex réussi ;

— Elles guicheliers ne se sont aperçus de rien ?


suu j'ai à peu près