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Page:Duplessis - Les Étapes d'un volontaire, 4, 1866.djvu/8

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L

MONSIEUR JAGQUES, :


ficait pour me faire prendre pour son compli dis-je, d'attirer toute l'attention sur ma personne en restant ainsi enfermé dans ma chambre, je répoudis à l'aubergiste que je mélais endormi de fatigue, et je me hâlai de des- cendre, ë rer

Dès qu'il a plu à Saint-Flour, l'air devient très-froid; je ne m'étonnai donc pas, en entrant dans la cuisine, de voir une dizaine de personnes assises devant la cheminée où flamboyait, — quoique l'on füt au plus fort de l'été, — une énorme botte de sarments secs.

Les nouveaux venus, la plupart babitacts de la ville, avaient apporté avec eux leur ration de pain ; car ils n’eus- sent pu s'en procurer à l'auberge, el ils attendaient qu'on leur servit une espèce de potase lacédémonien qu'ils devaient manger en_commun. Ge repas me plaisait peu, aussi après avoir, pour ne pas me faire remarquer, aüelé de prendre part au souper, j'allais me retirer de nouveau dans ma chambre, quand'un homme entra tout essoufilé daus la cui sine, et d'une voix enrouée, se mit à crier : Au feu!

Aù mot magique, chacun se leva vivemenl

2 Suivez-moi, dit le nouveau venu, dont la poitrine has letunte prouvait qu'il venait de fournir une course rapide suivez-moi ; la chaine s'organise ! il n°y a pas un moment à perdre!

— Mais chez qui s'esl déclaré l'incendie? demanda un stants.

— Chez le citoyen Durand, le président du distrièt.

Le lecteur comprendra sans peine l'émotion profonde que celte vépanse me fl

Le now de Gaston s'échappa iavolontairement de ma bou- che, et je me précipitai comme un fou dans la rue,

La direction suivie par la foule que je rencontrai me con- firua bientôt la terrible nouvelle que je venais d'apprendre.

Quelques secondes plus tard, la vue d'une gerbe de flam- mes qui illuminaient Les res de la nuit et éclairaient d'une vive clarté le sommer de la haute ville, me fit doubler de vitesse, Toutefois un pressentiment invincible et profond me disait que j'arriverais lrop tard !

Lorsque j'atteignis la rue où était située la maison incen- diée, je me heuriai contre une foule si compacte, qu'il me fut impossible avancer à plus de deux cents pas de dis- tance de l'endroit du sinistre,

Je me hätai de me faufiler dans la chaîne formée par les habitants.


de:

ez-vous, demandai-je à mon voisin, tout en rece- vaut de ses mains le seau plein d'eau qu'il me tendit pour me le faire passer, s'il y & quelqu'un de mort ou de blessé ?

— Je Vignore au juste, me répondit-il. Les bruits les plus extraordinaires el les plus étranges circulent au sujet de cet incendie, que l'on prétend être le résultat d’un crime.

— Riphortez-moi au mojns ces bruits.

— Ils sout si extraordinaires que cela n'en vaut guère la peine. On dit que le citoyen Durand s'est barricadé avec sa lemme et sa Line dans sa maison, et que lui-même est l'au- leur de la catastrophe !

— Gala me semble ea effet bien extraordinaire! Comment supposer qu'un homme, à moios d'être fou furieux, ait pu cetumettre une action semblable ?

— L'on ajoute que le citoyen Durand, jaloux comme un tigre de su femme, l'a surprise avec un jeune homme, et - qu'alors, hors de lui et n'ayant plus sa raison, jl.a mis le feu à sa maison.


n de chaine. sépait plus possibie, ce drame n'avait plus de mystère : il était évident que Gaston, après la mort de sa cousine, n'avait pas voulu lui survivre, et qu'avant de la suivre, il avait accompli, afin de se venger, cet acte de destruclion qui épouvantait alors la ville.

En proie aux réflexions les plus sombres , je déplorais la fin si malheureuse et si tragique de ces nobles enfants, lors: que je me senlis frapper doucement sur l'épaule.

de reconnus, en me relournant, le citoyen Cl l'ancien gérant des biens du comte de L***,

Charles V*#** était d'une pâleur extrême, et son regard anxieux disait assez dans quel état d'agitation se trouvait son esprit. à

— Mon cher officier, s'écria-l-il en me saisissant vive- ment par lè bras et en m'entrainaut hors de la chaîne, ve- nez avec moi, je vous en eonjure !

— Qu'y a-Lil, lui demaudai-je lorsque je fus à quelques pas de la ligne des Lravailleurs? que voulez-vous ?

— Je veux des nouvelles du fils de mon bicnfaiteur, de M. Gaston, me répondit-il avec impéluosité, Tantôl vous m'avez quitté en prétendant que vous ignoriez ce qu'il était devenu !.. Oh! je ne vous fais pas un reproche de vous être

éñé de moi! Par le temps d'iafamie et de délation qui court, on ne saurait être trop prudent! Mais, régardez-moi à présent en face, je vous prie! Voyez mon émotion, mon désespoir! Croyez-Vous qu'un comédien ou un gspion pour- ail jouer ou imiter ainsi la douleur ? Non, w'est-ce pus? Eli Dieu! alors parlez, je vous en canjure.

— Pourquoi êles-vous donc maintenant plus inquiet sur le sort du fils de votre bienfaiteur que vous ne l'étiez lorsque je vous ai quitté? lui dis-je.

— Purce que l'incendie qui vient d’éclater chez ce mons- tre de Durand m'épouvante. Oh! je sais bien que le hasard n'est pour rien dans ce sinistre. À présent est-ce mademoi- selle Laure, est-ce.

— Ah! vous connaissez aussi mademoiselle Laure? de- mandai-je à l'ancien gérant en l’interrompant.

— Si je connais mademoiselle js je l'ai vue nai: re! me répondil-il. Je sais tout, vous dis-je, toul! Et l'a- mour de cet infâme assassin de Durand pour cette noble de- moiselle, et le monstrueux mariage qui s'est accompli il y à huit jours... Voilà pourquoi je Suis inquiet, pourquoi tremble, car il me semble impossible que Gaston ne soit pour rien daus cet incendie.

— Vous avez raison el vous devinez juste, mon pauvre monsieur, dis-je à l’ancien gérant en passant mon bras sous le sien : oui, Gaston se trouve mêlé ea effet à ce sinistre, Mais éloignons-nous! je ne m'expliquerai que quand nous pourrons parler en toute sûreté et saus courir le danger de

nos paroles tomber dans les oreilles d’un délateur.

— Venez chez moi! mais avant lout répondez seulement par ün oui ou non à ma question : M. Gaston court-il en ce moment quelque danger?

Réfléchissant combien l'émotion du brave homme serait grande si je lui répondais par l'affirmative, el combien aussi elle pourrait le compromettre ainsi que moi, je persévérai dans ma résolution de ne plus prononcer une parole

Cinq minutes plus tard, mon compagaon s'arr une petite maison dont la porte s’ouvrit sans qi de frapper.

— Ah! mon ami, combien j'étais inquiète de ton ab- ‘eria une femme âgée d'environ quarante-cinq aus, plus d'une heure que je suis à l'altendre dans le corri- dor. J'ai reconnu le bruit de Les pas... mais {u n'es pas seul...

— Monsieur est un ami de Gaston, ma bonne Christine, répondit Charles V**, tu peux parler sas crainte devant lui...

— Eh bien ! monsieur, s'écria alors madame V*** en me regardant d'un air suppliant, qu'est devenu notre jeune maitre ?

— Permettez-moi, madame, avant de vous répondre, de refermer la porte de la rue que nous avons laissée ouverte,

— Vous me faites trembler, Eh bien! le jeune comte?

— N'est plus, madame, répandisJe avec accablement, car je comprenais toute la violence du coup terrible que jæ portais à ces braves gens !

En effet, à peine eus-je prononcé ces paroles que deux cris déchirants, poussés par le mari et par la femme, parti rent à la fois! Peu après, madame V*** porta sa main sur son cœur, une pâleur mortelle envahit son visage; ses yeux se fermèrent, et elle Lomba sans connaissance dans les'bras “de son mar

— Aïlons, disais-je en moi-même, tout en aidant M. V***


devant eût besoin