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Page:Duplessis - Les Étapes d'un volontaire, 5, 1866.djvu/33

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LUCILE.

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meure les rudes Bretons, que celui de ia douceur et de la clémence ; aussi inondait-il la campagne de proclamations dans le genre de celle-ci, que je vis aflichée, et dont je pris une copie. .


« Ah ! si je pouvais parler à ceux qui sont égarés, à ceux «qu'un faux zèle anime contre nous, à ceux que la crainte «du châtiment retient parmi nos ennemis, je leur dirais : « Cessez, Français, de croire que vos frères veulent voire « perte; cessez de croire que la patrie, cette mère commune, « veut votre sang! Elle veut, par ses lois bienfaisantes et «sages, vous rendre heureux. Rentrez dans son sein ét jouis-

s de ses bienfaits, Je le répète, elle n’en veut point à «vos jours.

« Mais si ma voix ne peut aller jusqu'à ces malheureux, « dont le sort m'a touché, c'est à vous, pères, mères, pa= « rents et amis, c’est à vous, magistrats, à être auprès d'eux «mes interprètes, Dites-leur bien que leur sort est dans leurs « mains, Je ne suis pas envoyé pour anéantir la population, pour faire respecter les lois. Qu'ils posent leurs ar- que, rendus à leurs occupations ordinaires, ils rentrent « paisiblement chez eux; qu'ils cessent par leurs rassemble= « ments de troubler ia République et qu'ils en suivent les « lois; qu'ils ne voient plus eu nous que des frères, des «amis, des Français, endn !


« J'assure, de la part des représentants de la nation en- a tièr ceux qui resteront tranquilles dans leurs fayers et «maivliendront le repos public, paix, union, sûreté, liberté, « fraternité et garantie de leurs propriétés. Et mo: « été malheureux ! Je ne puis ni ne veux tromper ceux qui «le sont! Puissé-je au contraire verser dans leur sein Loules a les consolations qu'exige leur état! »

Malheureusement les Bretons, si souvent trompés, n° joutaient aucune foi à ces promesses et ient miel compter sur leurs armes que sur la justice des répull cains,

Le principal chef de la chouannerie bretonne était Bois- opérait vers Saint-Briebc, sur les Côtes-du-


y, douê d'une aclivité incroyable, d’un courage à Loute épreuve, et de l'instinct de la guerre, était malheu- reusemeut implacable dans sa vengeance, Il avait vu les siens égorgés par les républicains, sa Brelagne souillée et dévasiée par de monstrueux excès; et jamais il ne faisait grâce au prisonnier bleu que lui livrait Le sort des combats.

Je devais faire sous per, et dans une circonstance bien dramatique, ainsi que Le lecteur le verra bientôt, la con- naissance de ce chef, qui a laissé un si grand nom dans la guerre de la chouanneri

Depuis que je voyageais avec Anselme et la m: Lucile, j'avais vingt fois interrogé mon coupagi aission dont il était chargé ; mais jamais il n'avait pu ou voulu me répondre d'une façon catégorique, D se contentait de me dire qu'il avait été envoyé, par un personnage de grande importance, chercher Lucile à Nantes, avec où de l’accompaguer à où elle voudrait aller, et de lui obéir er {oul. Au resie, ajoulail-il chaque fois, iligoorait complètement quel devait être le terme de notre voyage.

Qaud j'insistais auprès d'Anselme pour savoir le nom de ce personnage de grande importance, pour me servir de son expression, il se contentait de me répondre toujours la Wème chose : Que ce personnage lui avail sauvé la vie dans uue rencontre avec les bleus, el qu'il s'était engagé, p r ment vis-à-vis de lui à ne jamais apprendre à personne son nom,

Un soir, en avrivant À Dinan, nous trouvâmes la ville Plongée dans une cousternalion pielosde, Une troupe de Chouans ÿ avait (ail irruplion et s'y était liviée aux plus épouvautables excès,

Or, come Les hi


itants de Dinan étaient fort royalistes, ë ratés de celte abu-

lavoir él et élaient lout prêts à crier


le façon les s Vive lu Rénublique »


Comme nous avions pour règle de conduite de ne jamais coucher dans les villes où nous aurions pu être inqu nous continuâmes notre roue et fûmes demander l’hospit&- lité à la première ferme que nous trouvâmes sur notre che- min.

Dans cette ferme perdue à l'entrée d'un bois, sous un dôme de verdure, devait se passer sous peu d'heures un drame aussi imprévu qu'épouvantable, et dont jamais je ne perdrai le souvenir.

Quelques lignes me sont indispensables pour bien faire comprendre au lecteur, par la description des lieux, le ré- cit de l'horrible événement dont je fus témoin, et que je vais raconter,

Cette ferme se composait de deux pièces au rez-de-clraus- sée; la première, coupée üu milieu par une cheminée haute de six pieds et dans laquelle plusieurs personnes pouvaient tenir debout ou assises, élait extrêmement vasie; la se- conde, beaucoup moins grande, servait de logement au fer- mier et à sa fenume.

Le premier étage, auquel on parvenai au moyen d’une échelle mobile, avait pr converti en grenier, et renferimait une quantité assez considérable de graines et de four c'était là que couchait, lorsqu'il n'était pas occupé à chouan- ner, le fils de la maison.

Enfa, à environ trente pas de Ja ferme, s'élevait une èce de remise où de hangar où l'on melait les attelages et les instruments de labour.

Comme il n’y a pas un peuple plas hospitalier que | ton, nous fûmes reçus par nos hôtes aves une fi î une cordialité parfaites : ni le fermier, qui pouvait étre de soixante ans passés, ni sa femme, à peu près aussi vie que lui, ne nous adressèrent aucune question,

Notre modeste souper, qui se composait de galettes de sar- rasin trempé dans du beurre frais fondu, d'un morceau de lard et de cidre, terminé, il fut résolu que Lucil dans la chambre du fermier, et que, Anselme et mo nous relirerions au premier élage, c'est-à-dire daus le gre nier.

En effet, une demi-heure plus tard, blotti avec men com- pagnon dans un monceau de foin, je me disposais à rendor- mir de ce profond sommeil qui est toujours la récompense d'une journée de fatigue, lorsqu'un bruit de voix confus, puis, peu après des aboiemen(s furieux appelerent toute mon attention,

— Anselme, dis-je en seconant vivement par le b

non, prends ton fusil! Voici des troupes qui arrivent — Tant pis pour elles! me répondit-il avec ce sang-froid et celte assurance qui ne Jui faisaient jamais défaut au m0: ment du danger,

— Mais Lucile va tomber entre leurs maios?

— Eh bien! nous l'en arracherons!

— Nous l'en arracherons, et comment? Que veux-tu que nous fassions contre une patrouille de cinquante houunes, par exemple ?

— Le fait est que quand il en restera encore quarente ! Bois-Hardy !

— Bois-Hardy tombe à l'improviste sur ceux qui ne l'at- tendent pas, et ne se laisse jamais trouver par ceux qui le cherchent,

— Alors prenons nos fusils et descendons ; nous nous ins pirerous des circonstances,

— Je crois, en effet, que c'est là le parti le plus sage. Descendons.

Nous nous levâmes aussitôt, et, saisissant nos armes, nous nous dirigeämes à tons x pèce de fenêtre où lus qui servail de porte à la grange ; à peine Anselme po son pied sur le premier échelon, que vociférati bles s'élevérent de la cour de la ferme et son dessein,

— Ilest trop lard, me dit ient, al'endons.

Anselme, après avoir prono sos, saisit : cchirile de sû puissante main, et, la tirant à lui avec une force irrée sisible, la déposa dans la grange.


en aurons Lué une dizaine, b bien! nous irous ave