Page:Duplessis - Les Étapes d'un volontaire, 5, 1866.djvu/36

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aa LUCILE.


nions, Anselme et moi, le fusil à la main, en seutinclie de chaque côté du hangar, >

La nuit était sombre et sans étoiles, de gros nua sés par un vent du sud couvraient en entier le ci sageaient un orage, ;

Vers le milieu de la nuit, il me sembla voir à quelques pas de moi une ombre glisser en silence; j'armai aussitot mon fusil et je redoublai d’alteution : tout était tranquille autour de nous; je pensai que je m'étais sons - Une demi-heure s'était à peine écoulée, lorsque tout à coup une gerbe de flamme, s'élançant subitement par la lucarne du grenier, illumina l'horizon. Ce que j'avais pris pour une ombre était un des bandits qui, revenant sur ses pas comme nous le craignions, avait, pour compléter leur œuvre de destruction, incendié la ferme,

Anselwe abandonna alors son posle et vint me trouver, puis Lucile se réunit à nous, et nous dames conseil pour sa- voir quel parti nous devions prendre,

— Mon opinion, messieurs, nous dit la jeune femme d'une voix calme et assurée, et sans que rien dans sa conte- nauce décelât la moindre émotion, mon opinion est que nous devons nous éloigner au plus vite,

— Mais si les chouans 1ôdent dans les environs, lui dis-je en l'interrompant, et qu'ils nous aperçoivent, c'en esl fait de nous, tandis que, relranchés, au contraire, dans ce han- gar, nous pouvons, s'ils nous attaquent, tenir bon et résister, au moins, avec quelques chances de succès.

— Mon ami me semble avoir raison, s'écriu Anselme, Je parlage complètement son opinion.

— Gela prouve, mon brave Anselme, que ni vous, ni votre ami, n'avez mûrement réfléchi à notre siluation. Re- ar quez, f yous prie, qu'en dehors du danger de voir l'in- cendie de la ferme se communiquer à notre hangar, la clarté produite par la flamme nous laisse exposés, comme autant de points de mire, aux balles des chouans. Devant la certi- tude d'être ou brûlés vifs ou fusillés, nous ne devons pas hésiter à courir la chance que nous offe la fuite, d'autant plus que rien ne nous assure que nous tomberons entre les inains des bandits,

Ge raisonnement, que Lucile nous présenta d'une voix aussi calme et aussi tranquille que s'il se fût agi d'une con- versation insignifiante, était tellement logique que nous ne trouvâmes rien à lui Gpposer. Nous nous empressames de quiller notre hangar.

Pendant la première heure de notre marche nocturne, nous né prononçämes pas une senle parole, nous étions en= core sous l'impression profonde des horribles événements auxqüefs nous venions d'assister,

J'attendais, quant à moi, le lever du jour avec une vive impütience, mais il était dit que celle nuit, déja si remplie, ne se passerail pas sans nous amener une nouvelle aventure,

Noûs coloyions la lisière d’un bois quand un « qui vive!» relenlissant nous awrèla au milieu de notre march

— Dien elle roi! répondit Anselme de sa voi en armant son fusil,

Presque aussitôt nous fâmes entourés par une troupe nombreuse de chouans.

— Le premier qui fail un pas de plus est un homme mort! s’écr le.

Cette scène rapide, éclairée par la lneur faible et dou- teuse d'une lanterne que portait un des nouveaux chouans, avait un cnchel pittoresque qui m’impressionna vivement. Cetle forêt sombre, ces hommes armés, l'attitude d’Anselme, Ja grâce louchünte de Lucile, formaient un singulier tableau,

— Pourquoi craignez-vous que nous vous approchions, si vous êtes de bous royalistes comme nous? reprit l’homme qui portait une lanterne, en s'adressant à Anselme,

— Parce que les chouans ne sont pas des royalistes, mais bien d'épouvautalles et d’ignobles bandits qui ne sa- vent qu'assassiner et voler, répondit hardimeut et sans hésiter mon compagnon,

— Nous! les soldats de Ba voleurs et des assassins, ré dieu! voila des pa


es chas- el pré-


sonore el


lardy, nous sommes de, Phomme à la lanterne. Per- payerez cher.

———————

— Alors, commençons la bataille, dit Anselme,

Ge fut encore à Lucile que nous dûmes probablement, dans celte nouvelle circonstance critique, la conservation de nolre vie,

Calme et souriante, elle s'avança vers les chouans, qui déja apprèlaieut leurs armes, et se plaçant entre eux et nous :

— Votre chef Bois-Hardy se trouve: t-elle de sa voix enchanteresse,

À celte FR pRAEEns car Lucile était belle comme un ange, les chonans éprouvèrent une surprise pleine d'admiration et qu'ils ne songèrent pas à cacher,

— ui, il est ici, répondit enfin l’un d'eux. Si vous voulez le voir, je vais.vous conduire près de lui. <

Lucile, s'adressant alors à Anselme et à moi, nous or- donna de livrer nos armes aux chouans; puis sque nous eûmes obéi, elle nous dit de l'accompagner. Märchant « rière le chouan qui portait la lanterne, nous entrâmes alo dans la forêt,

Après une course qui dura à peine cinq minutes, notre GE poussa un cri étrange et qui, malgré moi, me fit tres- saillie,

Presque au même instant nous entendimes dans le lointain retenlir le cri d'un hibou.

— M, Dois-Hardy est prévenu de votre arrivée, il vous allend, nous dit noire conducteur.

Quelques pas plus loin, nous âperçûmes briller à travers les bravches une faible clarté, puis presque aussilôt nous alleignimes une cabane construite en branchages.

J'avais plusieurs fois déjà pénétré dans ces abris provi- soires que les chouens construisaient lorsqu'ils complaient opérer pendant longtemps dans les mêmes parages, ali de se ménager un refuge pendant les orages de l'été ou les froides nuits de l'hiver, Je ne fus donc nullement surpris, après avoir franchi le seuil de la porte, du tableau pitto- resque que m'ofrit l'intérieur de la cabane. Tout à l'entour des murs construits avec des branches ai cées et à [ d'étroites couchetles fort proprement arra semblables à celles que l’on trouve dans les cabines des na+ vires. Au-dessus de chaque coucheue était accroché un fusil, puis à coté du fusil, eL à hauteur d'homme, on aperce- vaitune ouverture, large à peine de trois à qualre pouces, c’est-à-dire suffisan{e pour donner passage à uu canon de carabine ou de mousquet,

Un christ en bois grossièrement sculplé el recouvert, avec un rare mauvais goût, de vives el épaisses couches de couleurs, était placé au-dessus de la porte. Enfiu une dizaine de chouans, revètus du costume breton, assis en rond au milieu de la pièce, s'occupaient à réciter mentalement leurs chapelets,

Notre guide, alors notre introducteur, nous désigna du doigt un homme assis au milieu des chonans, et qu'à ses vêtements, semblables à ceux que portaient ses compagnons, il nous eût été, certes, impossible de reconnaitre comme ua des principaus chefs de l'armée royaliste de Bretagne. Cet home n'était autre que Bois-Hardy lui-mêin

— Que namènes-lu là, Le Dosec? dit-il à notre guide,

A cette question du terrible chef, le paysan répondit par

un assez long discours, prononcé en bas-brelun et dont il me faut, par conséquent, impossible de compreudre un seul mot. - Je remarquai seulement avec une assez vive inquiétude que Bois-Hardy, à un certain passage du récit du paysan, fronça Les soureils d'un air menaçant; toutefois, il laissa poursuivre le narrateur sans l'interrompre.

— Que m'apprend Le Bosec, nous dit-il enfin, lorsque le -Breton eut cessé de parler, que vous avez lrailé mes gars d'assassins et de voleurs ? ; s

— Le susdit Le Bosec n'a fait que vous répéter la vérité, répondit Anselme en prenant vivement la parole. J'ai, en eut, il y à à peine quelques instants, formellement déclaré qu Les élionans étaient tous d'ubominables coquins, d'insi- gues voleurs, de lâches et cruels assassins,


il ici? leur demanda-