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Page:Duplessis - Les Étapes d'un volontaire, 5, 1866.djvu/42

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LUCILE.


terminant, que je sois cruelle et sangninaire, n'est-ce pas? Eh ! bien, je donnerais, je crois, dix ans de ma vie pour que Bois-Hardy eût fait fusiller ce Kernoc! — Hélas! madame, vos regrets doivent être moins vifs à cet égard que les miens! s'écria Bois-Hardy qui, passant rès de nous aù moment où Lucile prononçait cette phrase, l'avait entendue. Non pas que l'existence ou la mort de ce misérable me tienne beaucoup au cœur, continua le chel breton, mais son évasion si merveilleuse a produit un déplo- rable effet sur le moral de mes hommes!

Vous devez savoir combien les Bretons sont superstilieux, mais ce que vous ignorez, c'est l'influence extraordinaire qu'un événement ivsiguiliaut peut exercer, selon qu'ils y voient un bon ou un mauvais présage, sur leur esprit! I ny a pas en ce moment un seul de mes soldats qui ne songe à me quitter, et je suis persuadé que si je ne relevais pas par quelque coup d'éclat leur courage ln, comme j'espère le faire aujourd'hui même, avant huit jours d'ici mes forces diminueraient des deux liers.…

— Mais vous, monsieur, qui devez être au fait des ruses qu'emploient les prisonuiers pour recouvrer leur liberté, ne devinez-vous pas à peu près de quelle façon a dù s'y prendre Kernoc pour vous échapper?

— Non, madame, l'enquête à laquelle je me suis livré moi-même avec un soin minutieux, pour lâcher d'éclaircil cet événement étrange, n’a abouti à dissiper aucune 1h nèbres qui l’enveloppent et lui a laissé Lout son mysière. Malgré les recherches les plus actives de nos hommes, il nous a été impossible de retrouver le moindre indice qui pùt nous mettre sur la trace de Kernoc, Le fait est que cela semble tenir du prodige,

Lucile allait répondre, lorsqu'un chouan vint dire qu ques mots à l'oreille de Buis-Hardy, dont le visage reféla aussitôt l'expression d’une vive joi

— Aurail-on retrouvé Kernoc? s’écria Lucile avec une vive émotion.


— Non, madame, répondit Dois-Hardy, la nouvelle que j'apprends ne concerne malheureusement pas ce bandit : on m’annonce que le général Humbert, qui commande à Mon- contour, se rend seul et sans escorte auprès de moi pour me faire des propositions de paix. Je ne puis vous exprimer à quel point cet hommage rendu par un général républicain à notre loyauté me touche et me fait plaisir. C'est un éclatant démenti aux calomnies des montagnards exallés, qui nous représentent comme des gens sans foi ni loi, comme des bêtes enragées Loujours prêtes à mordre et l'innocent et le coupa- ble, Je vous demande bien pardon de vous quitter aussi brusquement, mais Humbert m'attend sur la lande de Gaus- son, et je n'ai que le temps de parür à franc élrier,

Toutefois, avant de m'éloigner, je vais vous remettre un sauf-conduit et donner des ordres pour que vous soyez es- corlée tant que vous foulerez le sol de la Bretagne.

Combien Bois-Hardy était loin de se douler en ce mo- ment, lui si heureux de voir qu'un général républicain se fiail à sa loyauté, que bientôt il Lomberait viclime de sa con- fiance dans la parole des bleus, et qu'il serait lchement assassiné !

Bois-Hardy, pour en finir avec. cet illustre chef de la chouannerie, était, à l'époque où le hasard me le fit rencon- ter, l'homme que la Convention redoutait peut-être le plus, Je dois avouer que, d'après moi, il méritait amplement sa réputation et la grande popularité dont il jouissait.

Je passerai encore sous silence, pour ne pas semer de longueurs ce récit déjà trop long, les aventures qui signalè- rent notre voyage à travers la Bretagne. Un seul incident, de peu d'importance en lui-même, mais qu'il est indispensa- ble de rapporter pour l'intelligence de ce qui va suivre, iva dans un pelit village breton un peu avant nolre entrée dans la Mayenne.

Une espèce de petit pâtre remit à Lucile un quatre et se sauva sans attendre de réponse.


japier plié en Kotre compa-