Page:Dupont - Chants et Chansons, t. 1, 1855.djvu/27

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Huguenots ; le chant des anabaptistes, dans le Prophète, ne sont-ils pas les airs qui touchent le mieux la fibre générale par l’inspiration ? Et, pour en venir à l’action, quel n’a pas été l’effet de la Marseillaise, du Chant du Départ et de cette lutte gigantesque du chant continuée si vivement par notre Béranger !

Je viens d’exposer en peu de mots ma poétique, et, pour donner mes sources, je dois dire que la tradition m’est venue surtout des hommes de mon temps qui ont fait la révolution de l’idée en même temps que celle de la langue : tout le monde les nomme ; le seul auquel je doive rendre un hommage public, puisqu’il n’est plus, quoiqu’il ne m’appartienne pas de le réclamer à la tombe, c’est un ami que je n’ai point connu, un frère en démocratie, Hégésippe Moreau, mort à l’hôpital le 19 décembre 1838. Sa tombe est au cimetière du Montparnasse ; les jeunes gens qui le lisent vont y porter des myosotis. Son cœur, étouffé durant sa vie par la nécessité, n’a jamais pu s’épanouir que dans la poésie. Que chacun de ses vers germe dans les jeunes âmes ! c’est assez pour produire une moisson nouvelle.

Je remercie M. Sainte-Beuve de m’avoir, dans une récente étude littéraire, abrité sous ce nom si pur. Ç’a été la plus douce récompense et le plus vif encouragement que j’aie reçu de ma vie ; à défaut de la solidarité du talent, je revendique celle de la cause. Mes mains, toutes faibles qu’elles sont, ne jetteront pas au vent l’ivoire de la lyre démocratique. Embellissons-la de roses et de bluets si l’on veut, mais n’y laissons point briser la corde sérieuse de l’indignation, et celle qui fait verser des larmes sur le sort de nos proscrits !

Par quelle visible action de la Providence ma muse ignorante a-t-elle été conduite par la main au bord même de ce Durteint et de cette Voulzie, ces deux ruisseaux où Hégé