Page:Dupuy - La vie d'Évariste Galois.djvu/33

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tait : lui-même, avant d’écrire, avait annoncé son intention à plusieurs de ses camarades. Ceux-ci n’en furent pas moins stupéfaits de voir qu’il eût mis son projet à exécution. Que faire ? Se solidariser avec lui par le silence paraissait impossible ; mais d’autre part protester contre sa lettre ne semblerait-il pas une dénonciation indirecte ? Pas plus qu’aux journées de Juillet l’accord complet ne put s’établir.

Je ne voudrais pas abuser du témoignage de la Gazette des Écoles, qui dans l’occasion peut paraître suspect, surtout si, comme cela est probable, elle tenait ses renseignements de Galois lui-même ; mais, sachant combien l’agitation persista dans l’École après son départ, combien les démêlés entre M. Guigniault et ses élèves furent vifs et nombreux en 1831, sachant aussi ce que fut le gouvernement de M. Cousin dont M. Guigniault n’était que l’humble serviteur, je pense qu’il y a beaucoup de vrai dans ce tableau des dissentiments entre normaliens, que la Gazette des Écoles publia en janvier 1831, après que le Conseil royal eut ratifié le renvoi de Galois : « Les élèves des Sciences sont moins accessibles à l’esprit de coterie que les élèves des Lettres, et, parmi ces derniers, il faut distinguer les élèves des Lettres proprement dits des élèves de Philosophie. Ceux-ci, cousinistes enragés, ne jurent que par le maître : ils le suivent déjà dans ses dédains pour tout ce qui n’est pas à la hauteur de la Science. C’est à l’École qu’ils font provision de mépris : ils en ont pour les élèves des Sciences eux-mêmes ; ils en ont pour ceux de leurs camarades qui ne pourront jamais s’élever à une classe de Rhétorique ou de Philosophie […] ; ils en ont pour leur directeur lui-même, dont tout le mérite, disent-ils, se réduit à savoir le grec et à avoir fait des notes. » Quelques jours après, une lettre, venue évidemment de l’École, priait la Gazette des Écoles d’ajouter à ces distinctions celle des élèves de première année et des élèves de deuxième année : ceux-là nommés après la Révolution et beaucoup moins dociles que leurs camarades. L’entente ne pouvait se faire aisément dans ce petit monde ainsi, divisé. Un texte de lettre à la Gazette des Écoles fut proposé, mais ne réunit pas l’unanimité ; beaucoup sans doute refusaient d’agir avant M. Guigniault ; quatre élèves seulement persistèrent à envoyer cette protestation au directeur du journal, qui refusa de l’insérer. « Il faut, disait-il, de deux choses l’une, ou que la lettre porte toutes les signatures, ou que les quatre