Page:Dupuy - La vie d'Évariste Galois.djvu/44

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Galois se leva tranquillement, descendit dans le prétoire, prit son couteau sur la table des pièces à conviction, le ferma, le mit dans sa poche, et sortit sans mot dire[1].

Il ne resta pas libre un mois. Pour le 14 juillet 1831 le parti républicain avait préparé une manifestation : plusieurs arbres de la liberté devaient être plantés, un entre autres sur la place de Grève. On comptait que le Gouvernement n’oserait pas interdire cette commémoration ; mais le préfet de police déclara la veille qu’il la considérerait comme séditieuse et s’y opposerait. Parmi les mesures de précaution qui furent prises figurait l’arrestation de Galois ; on n’avait rien à lui reprocher, on tenait seulement à s’assurer de lui comme du plus farouche ennemi du roi. À six heures du matin, le commissaire de police du quartier Saint-Victor vint pour l’arrêter dans la maison de la rue des Bernardins où il habitait seul depuis son acquittement ; Galois avait déjà décampé. Vers midi et demi, une troupe de jeunes gens descendant la rue de Thionville (rue Dauphine) déboucha sur le Pont-Neuf, pour aller à la Grève par le Châtelet ; deux tout jeunes gens la précédaient, habillés en artilleurs de la garde nationale et armés de carabines : l’un d’eux était Galois, l’autre un de ses amis, Duchâtelet, étudiant en droit. Le Pont-Neuf était un des passages les plus surveillés : la police laissa les deux chefs s’engager sur le pont, et, les prenant par derrière, leur mit aussitôt la main au collet en les séparant de leur bande, qui fut dispersée. On trouva sur Galois, outre sa carabine chargée, des pistolets et un poignard.

L’arrestation du républicain Galois fut annoncée à toute la France par les journaux philippistes comme une prise de premier ordre. On le tenait et, cette fois, on se promettait de ne pas le lâcher de sitôt. L’imprudence de Duchâtelet fournit un premier prétexte pour allonger démesurément la détention. Tous deux avaient été conduits d’abord du poste de la Place Dauphine au dépôt de la préfecture de police, et là, Duchâtelet avait eu la fâcheuse idée de crayonner sur les murs de sa chambre la tête du roi à côté d’une guillotine et, au-dessous, cette inscription : Philippe portera sa tête sur ton autel, ô Liberté ! On en profita pour le poursuivre de ce chef en correctionnelle avant d’engager

  1. Alexandre Dumas, Mémoires.