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PIERRE ET AMÉLIE.

sonner sur sa poitrine ; sa démarche était lente, et son corps incliné vers la terre annonçait le fruit mûr que la main de Dieu allait bientôt cueillir ; il passa près de moi sans paraître me voir, et alla s’asseoir sur un arbre tombé de vétusté au bord d’un ravin, au fond duquel j’aperçus en m’élevant sur la pointe des pieds une croix couverte de mousse que le vieillard regardait dans une attitude pensive.

Cet humble monument élevé sur le penchant d’une colline déserte, m’attendrit beaucoup ; quelle cendre reposait à ses pieds ? cet homme pouvait m’en instruire et je le lui demandai :

Mon père, lui dis-je, pardonnez si je trouble votre silence ; je viens pleurer sur cette tombe qui vous est chère sans doute ; elle renferme peut-être les dépouilles d’une épouse ou d’un enfant chéris ; souffrez que je partage votre douleur, j’aime à avoir ma part du fardeau des malheureux.

— Plût à Dieu, répond le vieillard, en jetant sur moi des regards étonnés et humides ; plût à Dieu que ce fût un de mes proches qui reposât sous cette croix ; j’aime la vertu… et la famille que des malheurs ont ensevelie sous ces rochers, a été une famille vertueuse !… leur histoire est touchante, mon fils.

— Ô mon père daignez satisfaire ma curiosité, racontez-moi cette histoire.

— Je le veux bien, mais il est tard, le soleil va bientôt se coucher ; rendez vous à ma cabane, vous y attendrez le retour de l’aube ; c’est une pauvre maisonnette, mais