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Page:Durand - Rires et pleurs, poésies. Première partie - Poèmes, élégies, satires, odelettes, 1896.djvu/58

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À vingt ans, j’aimais Lise ; elle était blanche et frêle.
Moi, l’enfant du soleil, hélas ! trop brun pour elle,
Je n’eus pas un regard de ses yeux étonnés !

II


Et ma mère était blanche, aussi blanche que Lise !
Elle avait des yeux bleus où scintillaient les pleurs.
Quand elle rougissait de crainte ou de surprise,
On croyait voir soudain une grenade en fleurs.

Sa chevelure était blonde aussi ; sous la brise,
Elle couvrait son front, pâle dans les douleurs.
Mon père était plus noir que moi ; pourtant l’église,
Dans un pieux hymen, maria leurs couleurs.

Puis l’on vit, — doux contraste ! ― à sa blanche mamelle,
Pendre un enfant doré comme nos blonds maïs,
Ardent comme un soleil de notre beau pays.

Orphelin, je vis Lise, et je l’aimai comme elle.
Mais son front pur pâlit à mes aveux tremblants :
Le fils du noir fit peur à la fille des blancs !

*