Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/100

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dans cette geôle, il en était la cause. Si elle était malheureuse, c’est à lui qu’elle le devait. Maintenant Louis s’accusait et la justifiait : elle avait une nature fière et sauvage, son départ était bien compréhensible.

— Les femmes, se disait Louis, sont comme des enfants et ne mesurent pas la portée de leurs actions, mais n’est-ce point une raison pour les protéger contre elles-mêmes ? Si, au moment où on les blesse, même involontairement, elles se jettent avec folie dans la rancune et la douleur, et font des actions désordonnées qui leur coûtent ensuite des regrets, des larmes, ne faut-il pas les préserver de leur propre précipitation ? Car si Lévise l’aimait, Louis pensait qu’elle devait se repentir de sa fuite, éprouver la tristesse, l’angoisse et le dégoût qu’il ressentait, qu’elle devait regretter les quelques jours animés, gais, doux, maintenant perdus. Il la plaignait. Se rappelant combien il s’était promis d’être le protecteur de la jeune fille, Louis craignait que jamais elle n’eût plus besoin de cette protection qu’à cette heure ou ils étaient séparés et où elle deviendrait peut-être la femme ou plutôt la proie de ce beau Guillaume, ce paysan décrié, à ce que disait Euronique.

Néanmoins l’amour-propre de Louis se révoltait à l’idée d’aller chercher la jeune fille pour la prier de revenir dans la petite maison. Il avait peur de se montrer trop faible, trop jeune, trop épris, et de faire une démarche que rendrait inutile la fierté probable de la paysanne. Il essaya d’un moyen terme.

Louis devait quelque argent à Lévise pour ses journées. Il résolut de lui envoyer cet argent par Euronique. Par là, il offrait à la jeune fille une voie de rapprochement où l’amour-propre de chacun n’avait aucune concession à faire.