Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/102

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conspiration, des injures contre elle-même, un engagement perfide ? Ou bien témoignait-elle par là que rien ne devait plus les rappeler l’un à l’autre, pas même un trait imperceptible sur un bout de papier, et qu’elle ne pardonnerait jamais ?

— Je me retournerai vers d’autres femmes, se dit Louis furieux, c’est assez des paysannes ! Quelle bizarre ténacité me pousse donc à me rapprocher de ces gens « inférieurs » ! Il y a autour de Mangues des châteaux et des maisons de campagne. Là, je retrouverai des femmes et des jeunes personnes spirituelles, dignes de moi.

Et, dans la puérilité inséparable des colères d’amour, il s’élança aussitôt sur les chemins, comme si, du haut des murailles et à travers les grilles des parcs, on allait se présenter à lui tout exprès pour lui plaire et remplacer Lévise. Mais, en marchant ainsi, Louis se sentait entraîné, attiré vers la maisonnette de la jeune fille. Il mettait toute sa force à résister et se fatiguait dans d’interminables courses, se contraignant à aller le plus loin possible de la maisonnette des Hillegrin. L’auberge lui servit encore de calmant. Il y passa des journées entières, jouant aux dames ou au piquet avec le vieux capitaine, en guise de potion engourdissante. Une fois, le capitaine Pasteur, qui était une vieille bête, lui dit : Eh bien ! qu’est-ce que devient donc la petite Hillegrin ? On n’en entend plus parler.

Louis crut que tout Mangues commençait à prendre Lévise pour sa maîtresse. L’indiscrète question du capitaine l’irrita. Il détestait qu’on se mêlât de ses pensées et de ses actions.

— Je ne donnerai plus de travail qu’à de vieilles femmes, dit-il, ce village est absurde !