Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/15

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salua, et ils se séparèrent. Puis Louis alla jusqu’à l’auberge, mais sans se rendre compte qu’il était bien plus affermi qu’auparavant dans la conviction que Mangues-le-Vert était le lieu le plus ravissant de la terre, un centre de bonheur et de joies.

Les premières journées s’écoulèrent pour Louis telles qu’il les avait imaginées, dans une absolue paresse, une contemplation délicatement savourée du paysage, une expansion et un contentement intérieurs, d’où naquit en lui une assurance d’allures qu’il ne se connaissait pas.

L’aubergiste lui fournit quelques meubles pour sa maison et lui envoya la célèbre cuisinière Euronique. Louis s’installa, rangea, jouit avec ivresse de ces premiers délices de la liberté, et se remit entièrement entre les mains de sa servante, qui fit tout ce qu’elle voulut.

Sa vie fut toute réglée d’après le temps. Quand il y avait du soleil, ou le matin une brume légère, transparente comme un voile, il se promenait. Si les nuages s’abaissaient et rendaient le ciel gris et mélancolique, ou seulement, vers le soir, lorsque la campagne s’effaçait sous les teintes de plus en plus sombres et confuses du crépuscule, Louis se rendait à l’auberge et se réjouissait à voir le grand feu dans la grande cheminée avec la grande broche, chargée de poulets et de pigeons, tandis que la salle resplendissait d’une lueur éclatante où étincelaient les vaisselles rangées sur les buffets et le couvert mis sur une nappe blanche.

Cette vie d’une simplicité complète et si peu mouvementée le charmait, uniquement parce que lui-même se la créait et la réglait. Si elle eût dépendu de l’ordre et de la règle de la famille, il l’eût trouvée insupportable.

Louis éprouvait un certain agrément à causer avec