Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/169

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— Lévise, se dit-il, est naïve et non candide, délicate et non pure.

C’est une chose cruelle qu’un soupçon et qui laisse souvent le remords d’une injustice.

Louis sentit la crainte que Lévise n’eût eu un amant avant lui ! L’entretien sur la ville et Paris prouvait le désir d’échapper à quelque gêne. Mais alors le remords, le chagrin de déflorer sans raisons peut-être sa chère idole, l’angoisse de commettre quelque absurde erreur, d’empoisonner volontairement et stupidement son cœur le ramenèrent, dans un meilleur chemin. Il chassa toutes ces idées noires et s’écria intérieurement : Non, elle est bien ma Lévise ! et il la serra dans ses bras.

La pauvre Lévise n’aurait jamais pu imaginer qu’un simple mot dit par elle dans une bonne intention avait pendant de si courts instants armé tant de doutes ennemis dans le sein de Louis.

Bientôt le cours de cette existence, qui coulait comme un ruisseau sur la mousse, étouffa toute trace de ces préoccupations. Louis ne se souvint même pas d’avoir été troublé.

Six jours de bonheur sont un lot trop extraordinaire pour un homme, et la destinée jalouse les fait expier.

Pendant une autre promenade, tandis qu’ils revenaient, ils virent des feux s’allumer dans le lointain et courir sur les coteaux. En même temps, une vague clameur s’élevait dans l’air. Ces feux marchaient capricieusement et formaient une sorte de banderolle lumineuse. De plus près, Louis reconnut une file de torches et entendit des chants, puis il aperçut des gens qui dansaient. Leurs ombres se détachaient en noir sur la fumée rougeâtre des torches.

— Qu’est-ce que cela ? demanda-t-il à Lévise.