Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/182

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Lévise comprenait qu’une lutte intérieure agitait son frère. Une visible tristesse s’étendit sur les traits de la jeune fille. Elle se sentait condamnable selon une façon de voir qui lui paraissait étroite, misérable, et pourtant elle était glorieuse de sa faute et elle aurait voulu pouvoir sacrifier à Louis plus que son honneur si elle avait eu davantage à sacrifier ; elle se serait presque étonnée et irritée qu’on ne partageât pas son enthousiasme.

— Eh bien ! tant pis ! murmura-t-elle comme une réponse aux objections, aux blâmes, aux réprobations dont l’air lui sembla chargé à ce moment, non-seulement là dans la chaumière, mais partout, dans le village entier et dans toute la campagne. Puis elle prit la main de son frère, dit encore une fois adieu et s’élança dehors.

La beauté du ciel, la paix de la nuit lui firent l’effet d’un encouragement et la ranimèrent ; elle courut allègre et rassérénée vers Louis.

Le jeune homme avait entendu le bruit de la porte qui se refermait et il ne tarda pas à distinguer la chère forme noire qui s’avançait légèrement vers lui. Dès qu’elle l’eut rejoint, Lévise lui répéta ce qu’elle lui avait déjà dit : Volusien est content et il viendra bientôt me voir !

Auprès de Louis, tout était beau, juste et bien, et le monde dont elle s’inquiétait était renfermé tout entier en lui. Le reste n’existait que passagèrement.

Le lendemain Lévise était la servante de Louis Leforgeur par-devant tout le village.