Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/257

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Ces idées tourbillonnaient sans relâche dans sa tête et pesaient sur lui de toutes leurs misères. Et au milieu de cet accablement il se disait aussi de son côté qu’un seul mot de Lévise lui rendrait la force. Il se demandait pourquoi elle ne l’appelait pas à elle, pourquoi elle ne le ranimait pas par une parole de confiance ou d’éloge naïf comme elle faisait ordinairement. Aussi lorsqu’elle se retourna vers lui et qu’elle commença à parler, s’il conserva une attitude morne, pétrifiée, c’est qu’il la laissait balayer elle-même peu à peu ces légions de pensées mauvaises dont il avait le cerveau oppressé.

Tandis que Lévise croyait que Louis ne l’entendait pas, elle le délivrait sans s’en douter de cette obsession, et il se disait : Non, ce Guillaume n’a jamais pu approcher de cette âme ni de ce corps qui sont à moi. Ma Lévise ne mentirait ni ne dissimulerait. Sa pensée est aussi pure et transparente que du cristal. Puis-je donc recevoir de ma pauvre chérie tant de preuves de bonté, de dévouement et de tendresse, et ne rien lui donner en échange ? Puis-je donc ne pas l’épouser, ma bonne, ma grande, ma sublime Lévise, et la regarder avec cette inertie égoïste, honteuse, la regarder pâle, défigurée, tenaillée et rongée de douleur, tandis qu’il dépend de moi de faire jaillir en un clin d’œil un soleil levant qui répandra sur nous la joie, la fraîcheur et la splendeur, et qui transformera ma pauvre victime en une reine de santé, de beauté et de bonheur ? Je me suis juré je ne sais combien de fois d’être un honnête homme envers elle, et de la récompenser, que dis-je ? la récompenser : ne suis-je pas encore coupable d’appeler faveur et récompense pour elle ce qui n’est que mon strict et juste devoir ? Eh bien ! il est temps de le remplir. Devant quels misérables obstacles ai-je donc reculé jusqu’ici ? Parce que la généreuse créature re-