Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/31

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yeux fixés sur lui se détournèrent immédiatement et retombèrent sur l’ouvrage.

Louis revint à son cabinet, ému de l’émotion de Lévise et plus encore de ce regard attaché sur lui tandis qu’il s’éloignait.

Cette fois, il se demandait avec une assez grande chaleur d’espérance s’il ne plaisait pas réellement à la jeune fille. Il récapitulait leurs rencontres, cette persistance à lui donner un bonjour souriant, cette promptitude à accourir, ces rougeurs, ces regards à la dérobée. L’aimerait-elle ? Cependant devait-il se laisser aller à une présomption absurde ? Ne valait-il pas mieux qu’il l’étudiât davantage en se tenant sur ses gardes ?

Mais si réellement il était aimé, quelle joie des joies ! Tenir ce bien précieux, qu’il avait appelé avec tant de force et de désespoir, qu’il avait craint de ne jamais posséder, qu’il s’était résigné amèrement à perdre, et qu’il retrouvait, alors qu’il en portait pour ainsi dire le deuil. Il tremblait de se tromper, et il était avide de s’assurer par des expériences prudentes, lentes, de la certitude d’un bonheur aussi inattendu.

Louis marchait à grands pas dans son cabinet, la tête en feu, le corps soulevé tout entier par un désir impatient d’agir, de savoir la vérité.

Il cherchait mille moyens de connaître Lévise. Il eût voulu se trouver longuement seul avec elle, et il en redoutait en même temps l’épreuve.

À la fin, il imagina de faire dîner Lévise avec lui et non pas, selon la coutume, avec la servante.

Et l’idée de ce premier dîner amoureux ou presque amoureux, ou qui du moins pouvait décider la grande question, vérifier la grande espérance, séduisit tellement Louis, qu’Euronique ne lui sembla pas être un