Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/68

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Euronique le voyant possesseur de tabac, et sachant qu’il n’était pas sorti de la matinée, devina, avec le flair des domestiques jaloux, par quelle voie le paquet brun était entré dans la maison.

Après avoir tourné quelque temps dans la chambre du jeune homme, elle dit tout à coup :

— Monsieur ne veut plus que je le serve, je le vois bien !

— Qu’est-ce qui vous prend encore ? demanda-t-il impatienté.

— Je serais pourtant bien allée chercher le tabac, reprit-elle.

— C’est hier soir qu’il fallait le dire !

— « On » voudrait faire croire que je ne suis pas capable de servir monsieur, ajouta la vieille.

— C’est bien, je n’ai pas besoin de vous ici, répondit-il, laissez-moi !

Euronique montra toute la journée une activité merveilleuse. Jamais danseuse ne fut plus leste. À la moindre demande, au moindre ordre, elle ne marchait pas, elle sautait, courait et bondissait, Louis se divertit de cette légèreté d’oiseau subitement révélée. Les trois dîners séparés eurent lieu sans encombre, sans murmures !

Mais ces aventures des fleurs et du tabac donnèrent à Louis le goût de mettre désormais Lévise à des épreuves de plus en plus décisives. Il commençait à acquérir quelque certitude sur les sentiments de la paysanne à son égard, et il pensa à user de ruses innocentes pour amener la jeune fille à se découvrir tout à fait. Il imagina qu’en lui payant ses journées, il reconnaîtrait en elle quelque trace d’embarras, de répugnance à recevoir de l’argent d’un homme qu’elle aimerait, une espèce de désenchantement, en un mot, qui se traduirait par l’hésitation. Il