Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/7

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L’étranger était un homme de vingt-cinq ans, petit, délicat d’apparences, plutôt laid qu’agréable, bien qu’il eût une physionomie douce et spirituelle. Sans sa barbe, les gens de Mangues l’eussent pris pour une femme déguisée.

Dès le second jour, il engagea à son service, par l’intermédiaire de l’aubergiste, une vieille fille nommée Euronique ou plutôt Uronique, selon la prononciation locale, et qui avait la réputation d’être une parfaite cuisinière.

Euronique, qui possédait « du bien », revenait chez elle chaque soir. Aussi fut-elle interrogée avec avidité sur le « petit monsieur », désignation qui s’attacha désormais au jeune homme.

Tout le monde pouvait voir Louis Leforgeur se promener continuellement aux environs de Mangues, dessinant et remuant une quantité de vieilles pierres qui abondaient dans la campagne. Souvent aussi, il dînait à l’auberge, où il faisait de fréquentes stations.

Mais ces quelques notions ne suffisaient pas à rassasier la curiosité générale. Malheureusement Euronique de son côté n’eut à donner que de vagues renseignements, tels que ceux-ci : le jeune homme paraissait être fort doux, facile à servir ; il ne parlait guère à Euronique, lisait de gros livres, et possédait une malle mystérieuse ornée de figures de cuivre comme une châsse. Seulement la vieille domestique n’avait jamais eu la chance de voir ouvrir devant elle la malle remplie d’étonnements et de merveilles.

L’aubergiste, lui, ayant été le guide des premiers pas de M. Leforgeur dans le pays, le questionna hardiment sur les motifs qui amenaient le jeune homme à Mangues. En vain celui-ci allégua-t-il la beauté du site et le désir d’étudier l’archéologie, l’aubergiste ne jugea point ces