Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/70

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suivait de loin Lévise qui rentrait chez elle. Ce fut pour lui un charme nouveau et vif, au milieu d’une belle nuit que la lune rendait à demi-claire, de marcher ainsi derrière Lévise sans qu’elle le sût, de contempler sa forme légère, mince, qui glissait sur le chemin emportant avec elle une ombre allongée.

Ce cadeau, serait-ce une croix d’or, une boucle, une ceinture, une boîte, un miroir, un mouchoir ? Louis était joyeux que la jeune fille ne se doutât point de ce qu’on préparait pour elle, et il la voyait en imagination repasser le lendemain à la même heure, par le même chemin plus légère et plus allègre encore.

Lévise s’arrêta à une « chaumière », véritablement recouverte de chaume et y entra. Les lèvres de Louis prononcèrent d’elles-mêmes et tout haut : Ah ! c’est là qu’elle demeure ! si haut qu’il en fut surpris et crut presque qu’une autre personne avait parlé derrière lui !

Cette découverte de la chaumière enchaîna davantage la pensée de Louis à la jeune paysanne. Il garda peint dans son esprit l’aspect de la chétive maisonnette que, désormais, il saurait retrouver quand il le voudrait et qui était l’écrin de son joyau. Il était heureux de penser que la petite cabane verrait la fête de Lévise lorsque la jeune fille rapporterait le présent qu’il comptait lui faire.

Louis qui, pour son tabac, forte passion cependant, n’avait pu se décider à aller au chef-lieu de canton, s’y dirigea d’un pas rapide pour acheter à Lévise un mouchoir de soie ! C’est ce qui lui avait paru le cadeau le plus convenable et en même temps le moins significatif ! Louis inventa un acte de haute politique, du moins il le crut tel. Il imagina d’acheter aussi un mouchoir pour Euronique afin de lui fermer la bouche et d’éviter ses