Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est pour cela, dit madame Gérard, qu’il faut se presser. Vous ne voyez donc personne, ni les uns ni les autres ?

— M. de Gueraudé ! dit le président ; il a trente-six ans, dix mille livres de rentes ; il n’a jamais quitté le pays ; c’est un homme distingué.

— Est-ce un agriculteur ? dit Pierre. Je ne le connais pas.

— Non, c’est un érudit, un philologue.

— Oh ! des paperasses ! reprit dédaigneusement Gérard ; ces gens-là sont fous ! ils cultivent le sable et l’argile.

— Je connais un jeune homme très pieux, dit le curé ; il a vingt-deux ans ; il aura 400,000 francs de sa grand’mère. Pour le moment il jouit d’une pension de 2,000 francs qu’elle lui fait.

— M. Bernier ? demanda madame Gérard.

— Il est bossu, interrompit le président en haussant les épaules, et sa grand’mère est une vieille folle. Ce serait l’union la plus ridicule. Il n’y a que monsieur l’abbé Euphorbe Doulinet pour avoir de ces idées-là.

— Du moins, monsieur le président Moreau de Neuville, ai-je la bonne volonté de chercher à servir madame Gérard.

— Soit, dit le président mais un peu de bon sens vaudrait beaucoup de bonne volonté.

— Voyons, dit Pierre, Moreau, votre robe noire est bien tracassière ; vous faites toujours des procès. »

La semonce rendit M. de Neuville silencieux, de même que son agression avait rendu muet le curé.

« Aidez-nous donc, mon beau-frère, dit madame Gérard à Corbie.

— Ma belle-sœur, je ne vois guère… répondit Corbie, cruellement embarrassé de ce qu’on ne pensait pas à lui et n’osant toujours point s’offrir.

— Enfin informez-vous, Messieurs : nous ne pouvons attendre ni le hasard ni l’occasion, nous sommes obligés de trouver promptement »

Pendant toute la journée, ce fut un ressassement des mêmes conversations. Henriette ne sortit pas de chez elle, dîna dans sa chambre. La jeune fille attendit avec une tran-