Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/124

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— Ah ! dit sa mère, c’est donc là le motif secret !

— Oh ! j’y serais bien allé ; mais cette affaire me prend à l’improviste, au moment où je ne me sens pas d’entrain.

— C’est que tu ne peux reculer, en effet.

— Il serait plus convenable que tu fisses toi-même la démarche, reprit Émile d’un ton caressant.

— Oh ! je le puis maintenant moins que jamais. Après vos aventures, ce serait, au contraire, de la dernière inconvenance. Tu as, d’ailleurs, plus de chances d’être éloquent que qui que ce soit. L’affaire te devient tout à fait personnelle. Si je faisais une visite ce ne pourrait être que pour demander pardon de ton étourderie, implorer ta grâce. Voilà le seul sens où je puisse parler ; et, certes, c’est un rôle impossible. Non : tu as mené tes amours à ta fantaisie, tu as fait des maladresses, toi seul pourras les réparer. Tu plaideras ta cause ; car tu dois être, à leurs yeux, un peu dans la position d’un accusé. S’ils aiment beaucoup leur fille, s’ils ont le cœur très délicat, ils te trouveront peut-être vaillant. Compte sur ta jeunesse. »

Émile se sentit encouragé.

« Oui, dit-il, il vaut mieux que je parle moi-même. Je craindrais qu’un autre n’allât pas dire ce qu’il faut. »

Madame Germain ajouta :

« Cette dame passe pour très charitable : c’est un signe de bonté. On la dit très spirituelle, et, je ne devrais pas le faire remarquer cependant, elle n’est pas d’une conduite irréprochable, n’est-ce pas ? »

Émile sourit.

« Voilà tes chances, continua-t-elle ; voilà ce qui lui donnera peut-être un peu plus d’indulgence. »

Émile était bien plus satisfait de ces espérances de succès que sa mère lui laissait entrevoir, sans y croire, mais pour lui inspirer le courage d’en finir.

« Je crois, dit-il, que je m’entendrai avec une femme. On peut être doux, câlin. Je lui dirai simplement les choses : que j’aime la petite, qu’elle m’aime ; que, jusqu’ici, j’avais été absorbé par la pensée d’Henriette, et que c’est une espèce de discrétion qui m’a empêché aussi de me présenter… »