Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/161

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« Oh ! je n’ose rien entreprendre ! dit-il comme s’il répondait encore à Pierre, mais en même temps se plaignant amèrement en lui-même de son sort.

— Les économies peuvent valoir les améliorations, s’écria Pierre.

— La vie de campagne est toute composée d’économies, dit madame Gérard.

— Oh ! oui ! répliqua Mathéus, les yeux fixés sur la jeune fille.

— L’existence à la campagne est si belle ! reprit madame Gérard.

— Ah ! dit Mathéus, se retenant de toute sa vigueur pour ne pas aller s’asseoir auprès d’Henriette, ah ! selon moi, la solitude de la campagne excite trop les sentiments et les rend bien vifs… »

Mathéus se décourageait un peu de l’inattention prolongée d’Henriette, qui brodait sans lever jamais la tête.

« Mais, Madame, dit-il, faisant un dernier effort, d’après ce que m’a dit mon ami Corbie, vous avez conservé le culte de tous les arts, ils ont trouvé un asile dans votre famille.

— Ma fille, en effet, Monsieur, a quelques talents », dit madame Gérard.

Henriette ne bougea pas.

« Je suis persuadé, dit Mathéus, qu’ils sont encore plus grands que vous n’en convenez. Mademoiselle doit être douée de toutes les facultés comme de tous les charmes. »

Henriette devint rouge et s’inclina ; mais la galanterie du vieillard, qui prenait une voix et des regards tendres, lui déplut. Elle ne desserra pas les dents.

Mathéus était comme un homme dont les yeux sont exposés à trop de lumière, tandis qu’Henriette s’irritait contre ces compliments qui allaient lui amener l’ennui d’être obligée de parader.

Heureusement le président se fit, avec madame Gérard, le détourneur de Mathéus.

« Il y a à Villevieille, reprit-il, quelques mondains retirés que vous avez peut-être connus, Monsieur : M. de Gontrand, M. de.....