Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/170

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— Mais l’injure, Monsieur, il me sembla que c’est moi qui la reçois !

— Oh ! chère amie, qu’il m’est triste de vous entendre. Je suis si fort de mes sentiments envers vous, qui n’ont jamais varié et ne varieront jamais, que malgré le chagrin que vous me causez en en doutant ainsi…

— Eh ! dit madame Gérard, moins terrible, comment voulez-vous que je ne doute pas, lorsque tout se réunit pour me faire douter ?

— Je ne me croyais pas si coupable, reprit le président. Voyons, accusez-moi, je me disculperai…

— Il me faut un gage de sécurité, répondit-elle ; je veux que ce mariage se fasse et que vous y mettiez activement les mains. Alors je serai tranquille.

— Je vous promets d’accomplir tout ce que vous désirerez, car cela ne me coûte nullement.

— Je veux bien vous croire, mais ne me forcez plus à craindre.

— Craindre ! Je suis désolé de vous avoir inspiré le moindre soupçon.

— Il est si fâcheux qu’il s’élève des nuages entre nous, ajouta-t-elle radoucie.

— Ils sont déjà dissipés, je l’espère !

— Cela dépendra de vous.

— Quelle femme implacable vous êtes ! dit le président en risquant un sourire.

— Je vois bien que je vieillis à vos yeux.

— Pouvez-vous me tourmenter ainsi, lorsque chaque jour, au contraire, vous me paraissez plus jeune.

— Les mots n’ont jamais rien prouvé, dit madame Gérard.

— Ma chère, ma bien chère amie, est-ce vous qui pouvez me supposer capable de vous aimer moins ? Où donc retrouverais-je votre esprit, votre haute raison, votre grâce et une affection si éprouvée ! »

Le président était étonné de la scène, mais il se sentait un peu de crime au fond de la conscience, et Dieu sait jusqu’où il fût allé pour sceller une réconciliation si madame Gérard,