sans fin, après quoi ce fut un gâchis de proclamations sur la poésie. Elle alla d’elle-même se rasseoir auprès de Mathéus. Madame Gérard et le président se touchèrent le coude.
« Que savez-vous donc ? dit Henriette au vieillard : vous m’avez parlé de mari.
— Ne savez-vous rien ? répondit Mathéus avec un sourire doux et fin, pour ainsi dire étranger à sa physionomie.
— Non ! je vous en prie, expliquez-moi ce qu’il y a. J’ai un si grand intérêt à le connaître !
— Vous êtes, comme je l’espérais, bien disposée. Vous comblez de joie un homme qui vous chérit, qui n’aspire qu’à une seule chose, ne pas être repoussé de vous ! »
Mathéus lui prit doucement la main comme jadis avait fait Corbie.
Quand il y a de l’orage par des nuits très sombres, un éclair fait jaillir subitement toute la campagne de l’obscurité. Henriette vit tout en un instant, elle pâlit et recula sa chaise.
« Qui cela ? dit-elle, vous, Monsieur, vous ? »
Tout fut suspendu par ces mots qu’on entendit clairement au-dessus de toutes les conversations. Mathéus fut atterré par le visage bouleversé de la jeune fille.
« Qu’est-ce que cela veut dire, Henriette ? » s’écria encore une fois madame Gérard très alarmée.
Tout le monde se leva, excepté le vieillard, qui regardait Henriette d’un air humble et craintif.
« Cela veut dire que vous vous entendiez tous pour me tromper ! répondit Henriette en fureur. Ainsi c’est pour Monsieur que vous m’avez fait jouer ces espèces de scènes de chien savant ? Que ne m’a-t-on aussi fait danser et montrer mes dents ? Vous espériez donc me prendre par surprise ? Je sais maintenant à quoi m’en tenir sur votre compte. Et vous, Monsieur, quelle est donc votre lâcheté ? On ne vous a donc pas appris que j’avais eu un amant et que je ne veux me marier qu’avec lui ?
— Non, dit Mathéus balbutiant, je ne le savais pas… mais il ne vous aime pas mieux que moi.
— Henriette ! Henriette ! cria madame Gérard d’une voix