Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/205

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tout pour votre propre satisfaction, de renoncer à lutter contre son influence ; vous savez ce que c’est qu’une amourette de campagne ; vous aimez sérieusement Henriette : voyez quel service à nous rendre et à lui rendre à elle-même de la détourner de ce petit garçon auquel elle ne tient que parce qu’elle l’a trouvé toute seule. Les jeunes filles sont toujours enchantées de monter ces aventures sur un pied très dramatique !…

— Ah ! Madame ! dit Mathéus, s’il me reste une lueur d’espoir, j’essayerai d’être le moins rebutant possible. Je me suis tellement fait à l’idée de ce mariage, que je ne sais comment… qu’il me semble impossible de me l’ôter de l’esprit. J’en deviendrais malade ! À mon âge, c’est cependant une grande faiblesse ! Je ferai tous mes efforts auprès de mademoiselle Henriette, mais il ne faut pas qu’elle me fasse de telles figures ; elle m’a trop effrayé !

— Je croyais pourtant, dit Pierre à demi-voix au président, avoir eu une bonne idée en laissant ma femme élever les enfants.

— Ce n’est pas la faute de votre femme, répondit le président : aucune puissance humaine n’empêchera jamais une jeune fille d’avoir un amoureux.

— Cette fois, reprit Pierre, elle marchera, dussé-je la mettre de force dans la voiture qui la conduira à l’église. Ah ! mon cher Moreau ! n’ayez jamais d’enfants ! »

M. de Neuville fut tout déconcerté de la terrible bonhomie de son ami.

« On aurait dû en faire une faneuse, continua Pierre, ou lui faire raccommoder des bas du matin au soir. Elle m’obéira, je ne veux pas manquer la Charmeraye, moi ! »

Il y eut un moment de silence : chacun était embarrassé et ruminait. Le curé se mit auprès de madame Gérard.

« C’est la lie du calice, lui dit-il, soyez forte ! »

Madame Baudouin dit aussi :

« Ma chère dame, voulez-vous que je vienne demain, que j’entretienne votre fille ? Je tâcherai de lui inspirer de meilleurs sentiments.

— Oh ! merci Madame, dit madame Gérard ; nous lui par-