Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/224

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conviendrait pas. Madame Baudouin demanda des nouvelles d’Henriette.

« Elle est d’un entêtement sans bornes, dit madame Gérard en la prenant à part ; je crains décidément qu’elle ne passe pour plus spirituelle qu’elle ne l’est. Cette fille ne comprend rien à la vie. Aussi, je veux essayer maintenant de l’intervention de nos amis.

— Bien, répondit madame Baudouin indiquez-moi sa chambre, je vais aller la trouver. »

Madame Gérard mena son amie jusque-là et la laissa. Madame Baudouin frappa doucement. Henriette, étonnée, vint ouvrir.

« Voulez-vous me permettre, ma toute belle, d’entrer dans votre petit sanctuaire ? » dit la grosse femme, souriante.

Dans sa situation, Henriette prévoyait bien que tout visage, toutes paroles, se rapporteraient à son mariage. Elle s’épargnait autant que possible les mots inutiles. La jeune fille fit asseoir madame Baudouin et prit sa broderie, afin de se donner le temps de mieux réfléchir avant de répondre.

« Ma charmante enfant, commença madame Baudouin, j’ai été bien peinée pour vous de ce que vous avez fait lundi soir !

— Oh ! Madame, s’écria Henriette, ne parlons plus de ce qui est passé.

— Ah ! mais, ma chère petite, reprit madame Baudouin avec une dignité affectueuse, c’est dans votre intérêt que je vous en parle. Je ne puis croire que vous ayez mauvais cœur, et pourtant il paraît que vous ne vous êtes pas repentie. Avec votre éducation, on devait s’attendre à de bons sentiments de votre part ! Vous n’avez donc pas la crainte de Dieu ? Le respect des parents est la première vertu d’une jeune fille. »

Henriette était importunée par la robe de madame Baudouin, dont la couleur gorge de pigeon changeait désagréablement à chaque mouvement. Elle avait envie de lui dire : « Ôtez-moi cela de là, je vous entendrai mieux ! »

Mais elle finit par ressentir dans les intonations caressantes et indécises de la grosse femme une prédisposition à se laisser influencer.