Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/260

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— J’y vais sur-le-champ.

— Demandez-lui une petite promenade dans le parc. »

Henriette ne put refuser. Elle descendit avec M. de Neuville, qui employa des manières tendres, câlines. Elle était d’ailleurs dans une de ses périodes de tranquillité relative. Après quelques propos insignifiants :

« Comment trouvez-vous M. Mathéus, ma chère Henriette ? dit le président.

— Pourquoi cette question ? demanda la jeune fille, dont la figure sembla aussitôt noircir.

— Comme vous lui témoignez beaucoup d’antipathie, il y a donc quelque chose en lui qui vous déplaît souverainement ?

— Je me suis expliquée là-dessus avec lui, on le sait bien, répliqua Henriette en quittant machinalement le bras de M. de Neuville, comme d’un être qui lui devenait désagréable.

— Ma chère enfant, vous êtes très troublée et votre mère est malade ; tout le monde souffre, à commencer par vous. Je voudrais bien pouvoir porter la lumière dans votre esprit, et vous décider à renoncer à une fâcheuse résistance.

— Quelle résistance ? dit Henriette jouant l’étonnée et déjà torturée par le bistouri de cet autre chirurgien.

— Oh ! dit-il en souriant, vous avez trop d’esprit pour feindre…

— Je n’y puis rien, reprit la jeune fille avec humeur ; je vois l’obstination et l’acharnement du côté des autres et non du mien.

– Ceci, continua M. de Neuville, est encore l’histoire de la paille et de la poutre. Vous avez votre petit amour en guise de poutre dans les yeux, et vous ne vous doutez pas que vos amusements sont la source de chagrins domestiques très douloureux.

— Mes amusements ! » répéta Henriette indignée du mot.

Il sourit ; puis, d’un air bienveillant, presque paternel, et doucement moqueur, il ajouta :

« Oui, cette petite mise en scène de rendez-vous, ces murailles franchies, ce mystère romanesque, étaient amusants, charmants… »

L’esprit sérieux et vigoureux d’Henriette s’irritait sourde-