Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/296

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nous méritons : telle est la grande idée qui soutient le chrétien. Est-ce un sacrifice si pénible que de suivre les désir d’une mère aimante et bien-aimée ?

— Non, c’est en effet bien simple », dit Henriette, ne voulant plus l’admettre à l’honneur d’être un conseiller sérieux

Mais le curé reprit l’avantage ; il répliqua : « Ce qui n’est point simple, c’est votre persévérance dans le mauvais sentier. Et cependant toute erreur, tout oubli de Dieu est puni, vous l’éprouvez par vos doutes. »

Tous, madame Baudouin, le président, Aristide, le curé avaient l’un après l’autre frappé dans la plaie d’Henriette en lui reprochant de manquer à la vertu, en l’accusant d’égoïsme, ou en lui rappelant qu’elle doutait visiblement d’elle-même.

Henriette ne voulait point baisser la tête, et alors elle s’irritait de ne pouvoir se justifier mieux que par son amour pour Émile. Elle luttait, moins parce qu’elle croyait avoir raison que parce qu’elle ne pouvait se résoudre à accorder raison à des personnes qu’elle n’estimait pas et à se soumettre à leur direction.

« Nous ne pouvons savoir si votre sentence est bonne, dit-elle, donc rien n’est encore fini.

— Elle est bonne, continua M. Doulinet, la sentence a été prononcée par Dieu même. Il faut songer à tous les malheurs de ce monde et de l’autre que vous pouvez attirer sur vous et votre famille en persistant à ne pas donner satisfaction au bien et à la vertu.

— On me fatigue avec la vertu, dit Henriette. Quelle vertu ? Qui en a ? Moi-même n’en ai-je pas autant que… Du reste j’y réfléchirai encore !

— Oh ! s’écria le curé, arrachez de votre cœur toute semence douteuse, réconciliez-vous avec Dieu et avec les vôtres, au nom de la paix éternelle. Renoncez à vos inclinations pour un jeune homme ennemi à toute votre famille. Mariez-vous et vivez selon l’Église. L’amour défendu vient du démon. Revenez à vous. Soulagez votre âme par la confession. La contrition vous y préparera. Je vous attendrai dès qu’il vous plaira. Venez plus souvent à Dieu. »