Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/323

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— Nous venons vous chercher, dit Mathéus.

— Mon père nous attend, répondit Henriette.

— Ah ! dit le vieillard, vous m’aviez promis de venir à la Charmeraye…

— On peut faire prévenir M. Gérard, reprit madame Baudouin.

— Sans doute, dit madame Gérard, et ce n’est même pas nécessaire. Montons en voiture, Henriette : que veux-tu que nous allions faire avec tous ces paysans ?

— Mais, répliqua la jeune fille, c’est sa charrue ; il sera mécontent… sa fête !

— Et moi, dit madame Gérard, je te garantis qu’il nous approuvera ; cela me regarde, monte.

— Montez donc, ma belle petite, dit madame Baudouin, une fête vous attend également à la Charmeraye. »

Mathéus était descendu ; les valets de pied se tenaient à la portière, chapeau bas. Madame Gérard s’élança légèrement dans la calèche, Mathéus prit doucement Henriette par la main. Elle regarda de tous les côtés, comme si elle attendait quelqu’un, puis elle se décida.

La portière fut fermée avec fracas, les valets de pied en culotte pensée bondirent sur le siège de derrière, et l’équipage repartit au galop.

« Ma foi ! je vous enlève, dit Mathéus gaiement.

— Vous allez donc me conduire en prison ? répondit-elle en souriant.

— C’est moi qui suis votre prisonnier ! » s’écria-t-il.

Madame Baudouin parla de la charrue de Pierre ; les commentaires durèrent à peu près une heure et demie, le temps nécessaire pour arriver à la Charmeraye.

Henriette, le cœur serré, regarda s’éloigner les alentours des Tournelles, puis apparaître d’autres points de la campagne qu’elle connaissait très peu, et, quand on s’engagea dans une magnifique et sombre avenue d’ormes qui conduisait au château, elle crut que des barrières fermaient le chemin derrière elle et empêchaient le retour.

« Je ne peux pas être gaie ! pensait-elle, ni me forcer ! »

On débarqua sur un immense perron garni de fleurs, de