Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/331

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« Mais enfin, entre nous, dit-elle.

— À quoi cela sert-il ? s’écria Corbie. Je n’y peux rien et je n’y suis pour rien. Je m’en lave les mains, moi !

— Bon ! dit la jeune fille, si cela vous déplaît, n’en parlons plus. »

Ne sachant comment s’en débarrasser, Corbie recommença à se frotter l’épaule ; le trouble, la rancune, la crainte, se mêlaient et se brouillaient en lui.

Henriette haussa les épaules à son tour, et quitta l’oncle gris, n’emportant pas bonne opinion de son intelligence.

Corbie décampa des Tournelles pour n’être pas repris par la jeune fille dans quelque coin.

Un instant après, elle croisa son frère, qui, monté sur la jument à la loupe, était habillé à l’imitation de Mathéus, et tenait de la main gauche, pour ne pas les salir, les gants rose tendre.

« Je vais voir, lui cria-t-il, une femme qui a plus d’esprit que toi, malgré toutes tes manières. »

Aristide n’avait pu attendre jusqu’au mercredi pour retourner près de madame Vieuxnoir.

La petite avocate lui dit quelle s’attendait à peu près à sa visite : jamais l’avocat n’y était. Ils causèrent avec beaucoup d’abandon de ce qui s’était passé dans leurs maisons respectives et se donnèrent quelques avis pour être plus heureux. Des choses en apparence insignifiantes amenèrent des situations dangereuses. Toutefois Aristide ne savait pas, madame Vieuxnoir ne voulait pas encore, et l’avocat rentra dans son foyer, jusque-là respecté, sans se douter que son salon à odeur de moisi avait dû être parfumé par des galanteries et des tendresses.

Madame Vieuxnoir dit à son mari :

« Dans huit jours, le jardinier doit venir à notre bien de Villevieille ; si tu veux, j’irai surveiller le travail !

— Le jardinier ? demanda M. Vieuxnoir ; tu l’as donc fait prévenir ?

— Je l’ai rencontré ce matin.

— Tu ne feras pas mal, en effet. »