Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/363

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— Il est mort ! » s’écria-t-elle en reculant et en fixant sur le messager un regard singulier, plein de stupeur et d’effroi.

Le secrétaire ne répondit pas, il s’inclina tristement.

« Ah ! c’est cette maudite famille qui me l’a tué ! » dit madame Germain avec un éclat de voix. Elle retomba assise.

Le secrétaire restait, fâché d’être venu, ne sachant comment s’en aller.

« Mais, Monsieur, reprit-elle d’un son de voix pareil à la note d’un instrument brisé, il est mort ! Comment ? Qui vous l’a dit ?

— Mon Dieu ! Madame, ces détails sont bien pénibles, dit le secrétaire ; il vaudrait mieux prendre quelque repos, appeler vos amis.

— On me cache donc quelque chose ?… s’écria-t-elle plus fort. Je vais y aller. Oh ! mon pauvre enfant ! mon pauvre enfant ! » murmura-t-elle en se cachant la figure dans ses mains et en pleurant ; et elle ajouta avec cette voix humble, plaintive, indéfinissable, que donnent les larmes : « Ah ! Monsieur, mon fils unique ! mon fils unique ! on me l’a fait mourir ! j’en avais tant peur ! si vous saviez… Ah ! le pauvre enfant ! comme il a souffert depuis deux mois… je venais de le soigner d’une maladie… j’étais si heureuse de l’avoir sauvé !… »

Elle pleura plus doucement, en pensant à tous les détails de cette maladie, qui apparaissaient clairs à sa mémoire, comme si elle commençait à être au chevet du lit d’Émile. Les larmes s’arrêtèrent.

Le secrétaire était ému, mais contrarié d’être tombé devant la douleur d’une femme qu’il ne connaissait pas.

« Enfin, Monsieur, reprit-elle plus calme et faisant un effort, apprenez-moi !… Est-ce un accident ?… Comment a-t-il pu mourir ?… Je ne puis pas le croire encore.

— Eh bien ! Madame, il paraît que monsieur votre fils s’est noyé ; il a été repêché par deux mariniers de la ville et rapporté il y a une heure à peine !

— Noyé ! dit madame Germain, ah ! pauvre enfant !… On n’a donc pas pu le sauver ? Qu’ont donc fait les gens qui