Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/372

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vant à chaque geste qu’elle faisait, si elle se levait, si elle marchait, si elle travaillait. Aucun bruit, aucun être ne pouvait le détourner un seul instant. Elle seule pouvait le faire manger, boire, le frictionner. Il manifestait sa répugnance pour tout autre par un cri rauque comme celui d’un petit animal.

Henriette pensait souvent, presque tous les soirs, à ce jeune homme mort pour elle ; mais elle comprenait aussi combien une grande fortune, le changement de lieu, des occupations incessantes, adoucissent le chagrin.

Au bout de quinze jours, elle écrivit une lettre à madame Germain pour se justifier et la prier de ne pas l’accuser de la mort d’Émile, et elle lui demandait la permission d’aller la voir.

Madame Germain renvoya la lettre avec deux mots :

« Madame Germain tient essentiellement à ne voir aucune personne de la famille Gérard ; elle supplie qu’on ne trouble pas son chagrin ! »

Alors madame Mathéus alla chez le sous-préfet, afin de trouver les moyens de faire remettre à madame Germain une pension égale aux appointements de son fils.

Henriette ne voulut pas que la mère d’Émile sût que cet argent venait d’elle. Le sous-préfet arrangea l’affaire, et madame Germain crut avoir une pension officielle.

Mathéus eut trois attaques de paralysie, une chaque mois : à la troisième, il mourut.

Les Gérard réclamèrent alors à leur fille l’exécution des actes qu’ils lui avaient fait signer. Elle refusa et leur montra le même mépris.

Ils lui firent un procès qui dura trois ans et qu’elle gagna.

Elle ne les revit jamais.

Aristide continua quelque temps sa liaison avec madame Vieuxnoir, qu’il finit par battre ; puis il épousa une mauvaise femme.

Madame Germain survécut de plusieurs années à son fils.

Le président resta toujours avec madame Gérard et Pierre. Quand Pierre mourut, madame Gérard retourna à Paris, sui-