Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/99

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jeu très drôle. On va derrière une personne et on crie : « Corbeau ! corbeau ! » Alors la personne répond. Tu verras. »

Il le mena derrière l’abbé, puis le laissa, et de loin lui fit signe. Le confiant Perrin cria consciencieusement : « Corbeau ! corbeau ! » Le pauvre curé bondit. Madame Gérard, furieuse, s’écria : « C’est trop fort ! Aristide, renvoie cet imbécile ! »

Aristide, riant aux larmes, poussa Perrin dehors en lui répétant cruellement : « Va-t’en, imbécile ! »

Henriette ne se doutait pas que son départ allait être le signal de ses malheurs.

Sa mère, jalouse de M. de Neuville, se décidait à la marier depuis quelques jours, pour se délivrer de ses inquiétudes. Il y a quelquefois des mères de famille qui, pour consoler leur amant de leur retraite dans la simple amitié à la fin des amours, lui donnent leur fille avec une belle dot. Mais madame Gérard n’en était point encore arrivée à ce point de détachement, où l’on a tant de courage et où l’on croit devoir offrir un dédommagement. Aussi :

« Il me semble, dit-elle, qu’il serait temps de marier Henriette.

— Ah ! dit le président, voilà un mariage que vous serez heureux de faire, monsieur l’abbé.

— Avec qui ? demanda Corbie, songeant follement qu’on allait peut-être lui répondre : Avec vous !

— Avec un bon parti, répliqua la mère il faut nous mettre tous en campagne. »

Il passa dans la tête de Corbie l’idée qu’on pouvait mal marier Henriette, ce qui le vengerait. Le curé entrevit un nouvel appui pour Saint-Anselme ; M. de Neuville seul aurait voulu qu’on ne se pressât pas tant.

« Je compte beaucoup sur vous, lui dit justement madame Gérard de l’air d’une personne qui donne un coup de poignard.

— Un bon gendre en prés et en bois, s’écria Pierre en riant.

— Ce sera amusant, dit Aristide, une noce !

— Voyez-vous déjà dans le pays quelqu’un qui puisse nous convenir ? demanda madame Gérard.

— C’est assez difficile, répondit M. de Neuville : les for-