Page:Duranty - Les Combats de Françoise du Quesnoy.djvu/128

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Les souffrances des âmes fières devant l’insulte sont atroces. Un voile de deuil enveloppait le monde pour les regards de Françoise. L’effroi de l’existence avait dressé ses spectres devant elle, car il semblait que le sort la choisît pour lui faire subir les tourments qu’elle s’efforçait d’éviter, et que la récompense de ses efforts fût une condamnation perpétuelle et imméritée. Elle ne pouvait châtier ceux qui l’outrageaient, et sa maison même n’était point un abri. Elle était découragée et épouvantée. Et puisque tout : vertu, bonté, prudence, affection, semblait être un piège, et que ce dont elle se servait comme défense la livrait, à quelle nouvelle et dure épreuve allait la conduire la connaissance d’Allart ?

Il lui avait fallu du reste un grand courage, un courage que n’auraient pas eu bien des femmes, pour se suspendre à cette sonnette et appeler un domestique à son aide. Certes, nulle femme n’eût hésité à en faire autant en face d’un manant, d’un homme du peuple, d’un mendiant, d’un marchand insolent mais avec un homme du monde, n’était-ce pas donner lieu aux soupçons au sein même de son foyer, aux plus insupportables soupçons, ceux d’en bas, dont la voix s’étend et monte si rapidement.

Françoise reçut Allart avec une joie si agitée et un visage si altéré, qu’il se dit immédiatement : Eh quoi ! ai-je déjà causé tant de trouble ?

Il eût été si doux pour elle de pouvoir se jeter dans les bras d’Allart et de s’écrier : Oh ! vous n’êtes pas comme eux. Elle rêvait de caresses comme un enfant