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ÉDOUARD.

donné ma vie pour lui épargner un moment de peine que je finissais par ne plus croire qu’elle fût mécontente de moi, à force d’être assuré qu’elle n’avait pas le droit de l’être ; mais son retour me détrompa cruellement ! Dès le même soir, je lui trouvai l’air sérieux et glacé qui m’avait tant affligé : à peine me parla-t-elle, et mes yeux ne purent jamais rencontrer les siens. Bientôt il parut que sa manière de vivre même était changée ; elle sortait souvent, et quand elle restait à l’hôtel d’Olonne elle y avait toujours beaucoup de monde ; elle était depuis quinze jours à Paris, et je n’avais encore pu me trouver un instant seul avec elle. Un soir, après souper, on se mit au jeu ; madame de Nevers resta à causer avec une femme qui ne jouait point. Cette femme, au bout d’un quart d’heure, se leva pour s’en aller, et je me sentis tout ému en pensant que j’allais rester tête à tête avec madame de Nevers. Après avoir reconduit madame de R., madame de Nevers fit quelques pas de mon côté ; mais se retournant brusquement, elle se dirigea vers l’autre extrémité du salon, et alla s’asseoir auprès de M. le maréchal d’Olonne, qui jouait au whist, et dont elle se mit à regarder le jeu. Je fus désespéré. Elle me méprise ! pensai-je ; elle me dédaigne ! Qu’est devenue cette bonté touchante qu’elle montra lorsque je perdis mon père ? C’était donc seulement au prix