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ÉDOUARD.

que, si j’eusse été à la place du duc de L…, je me serais trouvé le plus heureux des hommes. J’avais l’injustice de dire des mots piquants sur la légèreté en général, comme si ces mots eussent pu s’appliquer à madame de Nevers ! Des sentiments indignes de moi, et que je n’ose rappeler, se glissaient dans mon cœur. Hélas ! il est bien difficile d’être juste dans un rang inférieur de la société, et ce qui nous prime peut difficilement ne pas nous blesser. Madame de Nevers cependant n’était pas gaie, et elle se laissait entraîner à cette fête plutôt qu’elle n’y entraînait les autres. Elle dit une fois qu’elle était lasse de tous ces plaisirs ; mais pourtant le jour du quadrille arriva, et madame de Nevers parut dans le salon à huit heures en costume, et accompagnée de deux ou trois personnes, qui allaient avec elle répéter encore une fois le quadrille chez la princesse avant le bal. Jamais je n’avais vu madame de Nevers plus ravissante qu’elle ne l’était ce soir-là. Cette coiffure de velours noir, brodée de diamants, ne couvrait qu’à demi ses beaux cheveux blonds, un grand voile brodé d’or et très-léger surmontait cette coiffure, et tombait avec grâce sur son cou et sur ses épaules, qui n’étaient cachés que par lui ; un corset de soie rouge boutonné et aussi orné de diamants, dessinait sa jolie taille ; ses manches blanches étaient retenues par des bracelets de pierreries, et sa jupe courte