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OURIKA.

. Je n’avais point d’amie, personne n’avait ma confiance ; ce que j’avais pour madame de B. était plutôt un culte qu’une affection ; mais je crois que je sentais pour Charles tout ce qu’on éprouve pour un frère. Il était toujours au collége, qu’il allait bientôt quitter pour commencer ses voyages. Il partait avec son frère aîné et son gouverneur, et ils devaient visiter l’Allemagne, l’Angleterre et l’Italie ; leur absence devait durer deux ans. Charles était charmé de partir ; et moi, je ne fus affligée qu’au dernier moment, car j’étais toujours bien aise de ce qui lui faisait plaisir. Je ne lui avais rien dit de toutes les idées qui m’occupaient ; je ne le voyais jamais seul, et il m’aurait fallu bien du temps pour lui expliquer ma peine ; je suis sûre qu’alors il m’aurait comprise. Mais il avait, avec son air doux et grave, une disposition à la moquerie qui me rendait timide : il est vrai qu’il ne l’exerçait guère que sur les ridicules de l’affectation ; tout ce qui était sincère le désarmait. Enfin je ne lui dis rien. Son départ, d’ailleurs, était une distraction, et je crois que cela me faisait du bien de m’affliger d’autre chose que de ma douleur habituelle. Ce fut peu de temps après le départ de Charles, que la révolution prit un caractère plus sérieux : je n’entendais parler tout le jour, dans le salon de madame de B., que des grands intérêts moraux et politiques que cette révolution