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OURIKA.

prit avec une grande violence ; elle augmenta les deux jours suivants, Madame de B. me soignait avec sa bonté accoutumée ; elle était désespérée de mon état et de l’impossibilité de me faire transporter à Paris, où le mariage de Charles l’obligeait à se rendre le lendemain. Les médecins dirent à madame de B. qu’ils répondaient de ma vie si elle me laissait à Saint-Germain ; elle s’y résolut, et elle me montra en partant une affection si tendre qu’elle calma un moment mon cœur. Mais, après son départ, l’isolement complet, réel, où je me trouvais pour la première fois de ma vie, me jeta dans un profond désespoir. Je voyais se réaliser cette situation que mon imagination s’était peinte tant de fois ; je mourais loin de ce que j’aimais, et mes tristes gémissements ne parvenaient pas même à leurs oreilles. Hélas ! ils eussent troublé leurs joies. Je les voyais s’abandonnant à toute l’ivresse du bonheur, loin d’Ourika mourante. Ourika n’avait qu’eux dans la vie ; mais eux n’avaient pas besoin d’Ourika : personne n’avait besoin d’elle ! Cet affreux sentiment de l’inutilité de l’existence est celui qui déchire le plus profondément le cœur ; il me donna un tel dégoût de la vie, que je souhaitai sincèrement mourir de la maladie dont j’étais attaquée. Je ne parlais pas, je ne donnais presque aucun signe de connaissance, et cette seule pensée était bien dis-