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Page:Duras - Ourika et Édouard, I.djvu/47

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OURIKA.

j’aurai la paix. Ô mon Dieu ! ils sont déjà bien heureux ; eh bien ! donnez-leur encore la part d’Ourika, et laissez-la mourir comme la feuille tombe en automne. N’ai-je donc pas assez souffert ? Je ne sortis de la maladie qui avait mis ma vie en danger que pour tomber dans un état de langueur où le chagrin avait beaucoup de part. Madame de B. s’établit à Saint-Germain après le mariage de Charles ; il y venait souvent accompagné d’Anaïs, jamais sans elle. Je souffrais toujours davantage quand ils étaient là. Je ne sais si l’image du bonheur me rendait plus sensible ma propre infortune, ou si la présence de Charles réveillait notre ancienne amitié ; je cherchais quelquefois à le retrouver, et je ne le reconnaissais plus. Il me disait pourtant à peu près tout ce qu’il me disait autrefois ; mais son amitié présente ressemblait à son amitié passée, comme la fleur artificielle ressemble à la fleur véritable : c’est la même chose, hors la vie et le parfum. Charles attribuait au dépérissement de ma santé le changement de mon caractère ; je crois que madame de B. jugeait mieux le triste état de mon âme, qu’elle devinait mes tourments secrets, et qu’elle en était vivement affligée ; mais le temps n’était plus où je consolais les autres ; je n’avais plus pitié que de moi-même. Anaïs devint grosse, et nous retournâmes à Paris. Ma tristesse augmentait