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OURIKA.

férent ! — Ourika, dit-elle, vous vous rendez bien malheureuse, et bien inutilement. — Tout est inutile dans ma vie, madame, même ma douleur. — Comment pouvez-vous prononcer un mot si amer ! vous, Ourika, qui vous êtes montrée si dévouée, lorsque vous restiez seule à madame de B… pendant la terreur ! — Hélas ! madame, je suis comme ces génies malfaisants qui n’ont de pouvoir que dans les temps de calamités, et que le bonheur fait fuir. — Confiez-moi votre secret, ma chère Ourika, ouvrez-moi votre cœur, personne ne prend à vous plus d’intérêt que moi, et peut-être que je vous ferai du bien. — Je n’ai point de secret, madame, lui répondis-je, ma position et ma couleur sont tout mon mal, vous le savez. — Allons donc, reprit-elle, pouvez-vous nier que vous renfermez au fond de votre âme une grande peine ? Il ne faut que vous voir un instant pour en être sûr. » Je persistai à lui dire ce que je lui avais déjà dit, elle s’impatienta, éleva la voix ; je vis que l’orage allait éclater. « Est-ce là votre bonne foi, dit-elle, cette sincérité pour laquelle on vous vante ? Ourika, prenez-y garde, la réserve quelquefois conduit à la fausseté. — Eh ! que pourrais-je vous confier, madame, lui dis-je, à vous surtout qui depuis longtemps avez prévu quel serait le malheur de ma situation ? À vous, moins qu’à personne, je n’ai rien de nouveau à dire là-dessus. — C’est ce que vous ne me per-