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OURIKA.

naissance, et on attendait ma mort à chaque instant. C’est sans doute alors que Dieu eut pitié de moi ; il commença par me conserver la vie : contre toute attente, mes forces se soutinrent. Je luttai ainsi environ quinze jours ; ensuite la connaissance me revint. Madame de B… ne me quitta pas, et Charles paraissait avoir retrouvé pour moi son ancienne affection. Le prêtre continuait à venir me voir chaque jour, car il voulait profiter du premier moment pour me confesser ; je le désirais moi-même ; je ne sais quel mouvement me portait vers Dieu, et me donnait le besoin de me jeter dans ses bras et d’y chercher le repos. Le prêtre reçut l’aveu de mes fautes ; il ne fut point effrayé de l’état de mon âme ; comme un vieux matelot, il connaissait toutes les tempêtes. Il commença par me rassurer sur cette passion dont j’étais accusée : « Votre cœur est pur, me dit-il, c’est à vous seule que vous avez fait du mal, mais vous n’en êtes pas moins coupable. Dieu vous demandera compte de votre propre bonheur qu’il vous avait confié ; qu’en avez-vous fait ? Ce bonheur était entre vos mains, car il réside dans l’accomplissement de nos devoirs ; les avez-vous seulement connus ? Dieu est le but de l’homme ; quel a été le vôtre ? Mais ne perdez pas courage ; priez Dieu, Ourika ; il est là, il vous tend les bras ; il n’y a pour lui ni nègres ni blancs : tous les cœurs sont égaux de-